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Parlement

Le "passage en force" du gouvernement pour empêcher une mesure de transparence fiscale

Christian Eckert lors des questions au gouvernement le 4 novembre 2015.

Christian Eckert lors des questions au gouvernement le 4 novembre 2015. - Jacques Demarton - AFP

Le gouvernement est accusé de vouloir passer en force après avoir obligé l'Assemblée nationale à revoter un texte qui obligeait à rendre publics les activités et impôts payés par les grandes entreprises, pays par pays.

Des ONG ont dénoncé mercredi une "manœuvre" et un "passage en force" du gouvernement, après l'abandon par l'Assemblée nationale d'une disposition qui obligerait les grandes entreprises à rendre publics les activités et les impôts qu'elles payent, pays par pays.

"Le gouvernement a montré un bien triste visage cette nuit à l'Assemblée nationale", estiment dans un communiqué commun ces ONG, dont Oxfam France, CCFD-Terre Solidaire et ONE France, membres de la "Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires".

"Le gouvernement a manœuvré en coulisses, mobilisé des députés au milieu de la nuit", regrettent ces organisations. "Ce coup de force de l'exécutif ralentit dangereusement la lutte contre l'évasion fiscale", ajoutent-elles.

L'Assemblée nationale a rejeté mardi lors de l'examen du projet de loi de finances l'obligation de rendre publics les activités et impôts payés pays par pays par les grandes entreprises.

Un texte adopté puis rejeté après intervention du gouvernement

Les députés avaient dans un premier temps adopté des amendements socialistes et écologistes en faveur de ces mesures, destinées à lutter contre l'optimisation et la fraude fiscales, par 28 voix contre 24.

Mais le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a aussitôt demandé une suspension de séance en vue d'une seconde délibération. Elle lui a finalement donné raison et les députés ont rejeté le dispositif par 25 voix contre 21.

A plusieurs députés qui ne cachaient pas leur agacement, Christian Eckert a répliqué: "C’est moi qui décide a priori", comme en atteste la vidéo isolée par LCP.

"Victoire par épuisement"

Sur son blog Les cuisines de l'assemblée, l'attaché parlementaire du groupe écologiste Pierre Januel, affirme que le gouvernement a fait durer la suspension de séance 40 minutes au lieu des 10 réglementaires.

La séance a donc repris à 1h10. "Ce cas de victoire en seconde délibération par épuisement de la partie adverse est une méthode rare et originale. Il méritait donc d’être noté", remarque-t-il.

Les députés socialistes Fanélie Carrey-Conte et Yann Galut ont dénoncé sur Twitter une "incompréhensible nouvelle occasion manquée".

La crainte de mettre des entreprises françaises "en difficulté

Le 12 novembre dernier, l'Assemblée nationale avait intégré au projet de budget 2016 l'obligation pour les grandes entreprises de transmettre à l'administration un "reporting" pays par pays pour lutter contre l'optimisation fiscale, sous peine d'une amende d'au maximum 100.000 euros.

Cette mesure, adoptée avec le soutien du gouvernement, entendait traduire dans la législation française l'une des 15 actions de l'OCDE pour lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale agressive, avant la validation de ce plan par le G20 mi-novembre.

Le gouvernement s'est toutefois opposé à la publication de ces informations, qui doivent être partagées uniquement par les administrations fiscales des pays de l'OCDE.

En l'absence d'une "réciprocité très large", cela mettrait les entreprises françaises "en difficulté", a souligné le ministre des Finances Michel Sapin.

K. L. avec AFP