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Parlement

Comment mesure-t-on l'activité d'un député à l'Assemblée?

Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale, le 26 juillet 2016.

Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale, le 26 juillet 2016. - Ludovic Marin - AFP

Alors qu'une vague de nouveaux députés est arrivée à l'Assemblée en juin, certains s'étonnent d'être épinglés pour leur absentéisme. Malgré les données recueillies par le site nosdeputes.fr, il est parfois difficile de quantifier le travail des parlementaires.

Les députés travaillent-ils assez? La question, épineuse, revient souvent sur la table. Pour certains détracteurs, les élus ne sont pas assez à l’Assemblée, ou n'y font pas des interventions pertinentes; pour d’autres, ils ne passent pas assez de temps sur le terrain, au plus près de leurs concitoyens.

Les missions d’un député se découpent en deux axes principaux: la participation au travail législatif et le contrôle de l’action du gouvernement. Dans le premier volet, il s’agit surtout de voter les lois, déposer des amendements et/ou des propositions de loi, et travailler dans l’une des huit commissions de l’Assemblée.

Dans le deuxième, les députés peuvent interroger les ministres, notamment lors des questions au gouvernement, voter une motion de censure ou demander la constitution d’une commission d’enquête. A toutes ces missions s’ajoute le travail dans la circonscription, difficilement quantifiable.

Le site Nosdeputés.fr, créé, entretenu et alimenté par les bénévoles de l’association Regards Citoyens, se concentre depuis 2009 sur le travail dans l’hémicycle, au palais Bourbon.

"Un député peut faire aussi pas mal de choses dans sa circonscription. Nous, on a fait un choix dans notre présentation, on va s’intéresser à l’activité parlementaire. Ce qui nous intéresse, c’est la fabrication de la loi et tout le travail qui l’accompagne", explique François Massot, l'un des administrateurs du site.

Le travail des amendements

Il faut dire qu'il y a déjà fort à faire dans l’hémicycle. Le site recense notamment les présences des élus en commission, publiées au Journal officiel, les rapports, les propositions de loi, le nombre d’amendements à un projet de loi proposés par le député, et s’ils sont acceptés ou non.

Pour François Massot, les amendements constituent d'ailleurs une partie "très importante" du travail de l'élu, car "c’est lui qui va permettre d’ajuster la loi et de la corriger. Le fait qu’un député dépose des amendements qui sont acceptés, ça montre sa capacité à modifier la loi et tout simplement à faire valoir ce que ses citoyens peuvent lui faire remonter dans sa circonscription."

L’objectif du site n’est donc pas de recenser qui vient et qui ne vient pas au palais Bourbon. C’est d’ailleurs impossible, car il n’est pas possible de relever la présence simple, à proprement parler, sur les sièges de l’Assemblée.

Elle se quantifie grâce à certains votes, quand ils ne sont pas à main levée ou qu'il n'y a pas de délégation (une sorte de procuration), mais aussi grâce aux interventions publiques. Et c’est là que la méthode du site fait débat, notamment pour Aurore Bergé, députée LREM de la 10e circonscription des Yvelines.

"Vous pouvez expliquer un vote au nom de votre groupe, porter votre amendement, répondre à un orateur… Et il y a tout un nombre d’interventions courtes qui disent 'bravo', 'très bien', 'c’est un scandale'... Il y en a qui se mettent en bas de manière à pouvoir faire ce genre d’interventions, pour que les huissiers les entendent et les référencent en compte-rendu. C’est aussi la perversité de ce genre d’appréciations", dénonce-t-elle. 

"J'ai une collègue qui a été présente tout le temps, n’a pas manqué une seule séance, a été hyper assidue, et en commission et en séance, et se retrouve dans 'les plus mauvaises députés' !", critique la député LREM.

François Massot assure pourtant qu'"en dessous de 20 mots", les interventions publiques ne sont pas comptabilisées, ce qui est d’ailleurs indiqué dans la FAQ du site qu’il gère. Il reste qu'en fonction du type d'interventions ou de questions (au gouvernement ou orales sans débat), les députés n'ont pas tous les mêmes chances de s'exprimer.

"Quels sont les critères pour être un 'bon parlementaire'?"

Au-delà de la question des interventions, Aurore Bergé assure trouver "utile" le travail de Regards citoyens. "La question n’est pas de les remettre en cause, c’est de savoir quels sont les critères pertinents pour pouvoir qualifier un parlementaire de 'bon parlementaire': est-ce que c’est un travail qualitatif, quantitatif?", s’interroge la député.

Comme plusieurs autres parlementaires, elle a choisi de poster son agenda en ligne, un autre "outil de contrôle citoyen du travail que l’on mène", estime-t-elle.

D’autres députés n’ont pas un regard aussi bienveillant sur le recensement effectué par nosdéputés.fr. Récemment, une rencontre avec les questeurs de l’Assemblée ne s’est pas déroulée aussi bien que prévu.

"Ça fait longtemps qu’on existe, et c’est la première fois qu’une réunion se passe ainsi, qu’on nous suggère d’arrêter notre site parce que ça les gêne", explique François Massot.

A tel point que le site a publié une lettre ouverte en réponse. "Tout ça s’explique un peu par la tension qu’on sent sur les réseaux sociaux actuellement, parce qu’il y a pas mal de députés qui se font attaquer sur une activité 'un peu faiblarde'. On peut comprendre que c’est agaçant", concède-t-il, rappelant toutefois que les pages des députés contiennent une multiplicité d’indicateurs.

Des groupes de travail pour travailler sur la transparence

"Il y a une tension à partir du moment où on se concentre juste sur le niveau d’absentéisme, a priori encore plus erroné sur les nouveaux députés qui arrivent qui vont prendre un peu de temps pour prendre leurs marques", juge-t-il.

Pour les administrateurs du site, il faut néanmoins "séparer le rendez-vous des questeurs du reste". "De manière générale, on a beaucoup de députés qui sont prêts à avancer avec nous."

En témoigne par exemple la volonté du président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, qui compte former des groupes de travail en ce sens. "La bonne nouvelle, c’est qu'il a clairement exprimé qu’il voulait avancer sur la transparence, avec des groupes de travail, et discuter avec nous de quelles données on a besoin pour enrichir le site", rapporte François Massot.

Notamment plus d'informations sur les réunions du bureau et de la questure: "Il n'y a pas de compte-rendu de publié, on ne sait pas qui est présent à ces réunions. Publier ces informations, compte-rendus et présences, cela permettrait de montrer que les questeurs font des choses, qu'ils sont présents à d'autres réunions, d'où le fait qu'ils ne soient pas présents parfois en commission."

Liv Audigane