Paris, Annecy, Saint-Brevin... Les actions de l'ultradroite se multiplient

"On a l'impression de se retrouver en 1934, c'est insupportable". Au micro de BFMTV, François Astorg, maire divers écologiste d'Annecy, ne cachait pas sa colère ce jeudi. Deux jours plus tôt, la ville qu'il dirige a vu une quarantaine d'individus prendre part à un défilé nationaliste et entonner les chants classiques d'ultradroite "Europe, jeunesse, révolution". Non déclarée, cette manifestation a entraîné l'ouverture d'une enquête.
Ce cas est loin d'être isolé, en attestent les rassemblements à Saint-Brevin, en Loire-Atlantique, où le maire Yannick Morez a démissionné le 10 mai après des menaces de l'extrême droite et un incendie criminel à son domicile.
"Effet de mimétisme"
D'où l'allusion de l'édile annécien à 1934. Une année s'inscrivant dans le contexte de la montée du fascisme en Europe et marquant un événement précis de l'histoire française, le 6 février. Ce jour-là, une manifestation antiparlementaire rassemblant des groupes d'extrême droite se déroule devant l'Assemblée nationale. Elle sera l'une des plus sanglantes de la IIIe République avec une dizaine de morts et quelque 2000 blessés.
Le rassemblement à Annecy a été précédé par une autre manifestation d'ultradroite, à Paris, le 7 mai, en hommage à Sébastien Deyzieu, un militant nationaliste mort accidentellement à 22 ans le 7 mai 1994 après une manifestation de plusieurs mouvements d'extrême droite "contre l'impérialisme américain". 500 personnes ont participé à cet événement organisé chaque année par le Comité du 9 mai, dont des dizaines masquées de noir ou avec le drapeau de la croix celtique, un symbole fasciste.
"Ce mouvement a donné l'idée aussi à d'autres groupuscules, d'autres organisations de descendre dans la rue", analyse Vincent Vantighem, grand reporter pour BFMTV. "C'est un effet de mimétisme. Plus on en parle, plus ça donne envie à ces groupuscules d'organiser des manifestations pour êtres mis en lumière."
Mélenchon dénonce "la permissivité de Darmanin"
Ces cortèges ne sont pas nouveaux, mais lorsque ses mouvements sont dissous, la plupart se reconstituent sous une autre identité. "Ces groupes existent pour une partie d'entre eux depuis assez longtemps", opine Ugo Palheta, sociologue et auteur de plusieurs ouvrages traitant du fascisme. "Les Identitaires, l'Action française, ça fait au moins un siècle, le Gud et toutes ses variantes (existent) depuis l'après 68", développe-t-il.
Face au contexte actuel, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé aux préfets d'interdire les manifestations d'ultradroite. Plus difficile à dire qu'à faire. Certes, certains évènements ne se sont pas tenus le week-end dernier - comme celui du mouvement d'extrême droite "les nationalistes" mais l'Action française a pu organiser son colloque, après que le tribunal administratif a retoqué l'interdiction.
Nouveau revers ce mardi avec la manifestation non déclarée à Annecy. Non pas autorisée mais non déclarée. "Voilà ou mène la permissivité de Darmanin pour les bandes de violents d'extrême droite", a fustigé Jean-Luc-Mélenchon, leader de La France insoumise. "De ville en ville, ça se répand. Mais pour la macronie, le danger c'est LFI (La France insoumise)", a-t-il ensuite déploré.
"On a tort de les qualifier de groupuscules"
Une référence à la stratégie du camp présidentiel qui concentre ses attaques sur les insoumis depuis des semaines. Les Marcheurs accusent notamment leurs adversaires d'avoir une part de responsabilité dans le climat de violences actuel.
Pour autant, "cette guéguerre politicicienne ne doit pas occulter le problème principal: la résurgence de ces mouvements d'ultradroite", analyse Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV. Et de poursuivre:
"On a tort de les qualifier de groupuscules parce que ça minimise, on a tort d'ironiser sur le côté folklorique comme pour l'Action française le week-end dernier parce que les conséquences de ces mouvements d'ultradroite peuvent être terribles. On l'a vu à Saint-Brevin."