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Ouïghours: pourquoi la France insoumise s'est abstenue sur la résolution reconnaissant un "génocide"

L'hémicycle de l'Assemblée nationale

L'hémicycle de l'Assemblée nationale - Thomas COEX © 2019 AFP

L'absention des députés insoumis sur une résolution qualifiant la situation des Ouïghours de "génocide" fait débat. Clémentine Autain assume, expliquant que ce texte ne portait pas "d'acte fort".

À moins de deux semaines de l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver à Pékin, c'est une abstention qui fait du bruit. Alors que les députés ont adopté à la quasi-unanimité une résolution dénonçant le "génocide" des Ouïghours, les élus de la France insoumise ont décidé de ne pas se prononcer.

Ce texte, qui reconnaît "les violences perpétrées par les autorités" chinoises "à l'encontre des Ouïghours comme "crimes contre l'humanité et comme génocide", a beau ne pas avoir de valeur légale, il revêt une importance toute symbolique.

Des milliers d'Ouïghours internés de force

L’abstention des députés Clémentine Autain, Mathilde Panot, Danièle Obono et Ugo Bernalicis, ainsi que du député communiste Jean-Paul Lecoq, a suscité la polémique face au très fort consensus au sein de l'hémicycle.

Des études occidentales accusent en effet la Chine d'avoir interné dans des "camps" au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, d'effectuer sur elles des stérilisations et des avortements "forcés" ou encore de les contraindre à du "travail forcé".

"Ne pas banaliser ce qu'est un génocide"

Du côté des insoumis, on assume cette abstention, à l'instar de Clémentine Autain qui a contribué à la création du collectif parlementaire de solidarité avec les Ouïghours.

"Bien sûr que le régime chinois fait subir des atrocités au peuple ouïghour. Mais j'écoute l'ONU, les rapports des ONG et ils nous disent tous qu'on est très loin du consensus sur le fait de parler d'un génocide", explique la député à BFMTV.com.

Le terme n'est en effet pas celui retenu par la déclaration de l'ONU en octobre dernier après des échanges très tendus entre la Chine et les Etats-Unis. Les historiens qualifient d'ailleurs de génocide trois évènements historiques: l'extermination des Arméniens par les Turcs de 1915 à 1923, celle des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et des Tutsis au Rwanda dans les années 1990.

"Il ne faut pas banaliser ce qu'est un génocide. Il n’est pas synonyme de crime contre l’humanité. L'Assemblée nationale est un lieu de réflexion et nous nous devons d'être très précis sur les termes que nous choisissons", avance encore la parlementaire insoumise.

"Indigne" pour Anne Hidalgo

Cette prise de position a été sévèrement attaquée par Anne Hidalgo.

"Franchement, les Insoumis qui donnent beaucoup de leçons en matière de droits humains et démocratie qui sont contre ce vote, cette résolution, qui ne veulent pas soutenir les Ouïghours parce qu’ils ne veulent pas se mettre en difficulté avec la Chine, je trouve ça indigne", a jugé la candidate socialiste ce vendredi matin sur Franceinfo.

Du côté du gouvernement, on explique que l'usage du terme "génocide" pose question. À la tribune, Franck Riester, le ministre délégué au Commerce extérieur a reconnu les "violences systémiques" et les "témoignages accables". Il a cependant faire valoir que la qualification de génocide relevait des instances internationales.

Ce positionnement n'a cependant pas empêché les députés marcheurs de voter à l'unanimité la résolution, à l'exception du député LaREM de Paris Buon Tan, très investi dans les relations entre la France et la Chine.

"On nous attaque, nous, alors que les marcheurs estiment que c'est un génocide donc mais qu'ils vont continuer leurs relations avec la Chine? C'est insupportable", juge Clémentine Autain.

"Le parti socialiste sait très bien tout cela et instrumentalise politiquement cette cause. Ce n'est vraiment pas correct", s'énerve-t-on encore dans l'entourage de Jean-Luc Mélenchon auprès de BFMTV.com.

La France insoumise votera en faveur d'une autre résolution

Pékin a d'ailleurs fustigé le vote des députés estimant qu'il faisait "fi de la réalité et du bon sens en matière de droit", d'après un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

La France insoumise devrait voter prochainement en faveur d'une proposition de loi déposée par la députée Frédérique Dumas qui qualifie, elle, la situation des Ouïghours "de risque sérieux de génocide".

Marie-Pierre Bourgeois