Mosquée de Strasbourg: la région Grand Est et la collectivité d'Alsace opposées à son financement

Le chantier de la mosquée Eyyub Sultan dans le quartier de La Meinau à Strasbourg se poursuit le 24 mars 2021, deux jours après un vote controversé de la mairie sur une subvention des travaux - Frederick FLORIN © 2019 AFP
Les présidents LR de la région Grand Est et de la collectivité européenne d'Alsace (CEA) ont déclaré jeudi ne pas être favorables au financement par leur collectivité du chantier d'une mosquée à Strasbourg, objet d'un bras de fer entre le ministre de l'Intérieur et la maire EELV.
"Aujourd'hui, je n'ai aucun dossier, aucune demande" de la part de la Confédération islamique Millî Görüs (CIMG), l'association turque qui porte ce projet, mais "nous ne soutiendrons en tout cas pas la construction de ce bâtiment cultuel", a déclaré à des journalistes le président du Conseil régional du Grand Est, Jean Rottner, à Mulhouse.
Millî Görüs ("Vision nationale", en turc) "revendique" de ne pas avoir signé la charte des principes pour l'islam de France, (qui affirme la "compatibilité" de la foi musulmane avec la République), et "cela me dérange", a poursuivi l'élu.
Une mouvance "qui méprise la démocratie"
"J'ai eu des alertes de la part de Gérald Darmanin (...) le 15 janvier lors de sa venue en Alsace", a indiqué de son côté Frédéric Bierry, président de la collectivité européenne d'Alsace (CEA), qui fusionne depuis le 1er janvier les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Sans entrer "précisément dans le détail", le ministre avait souligné que l'association porteuse du projet "n'était pas respectueuse des principes de la République", a-t-il ajouté.
"Je ne serai pas favorable personnellement au financement de ce projet si nous étions sollicités" : "les Finances publiques légitimeraient" alors "une mouvance à la droite d'Erdogan qui aujourd'hui méprise la démocratie et méprise la France", a déclaré Frédéric Bierry.
La maire de Strasbourg réfute "toute mise en garde"
Un bras de fer oppose Gérald Darmanin et Jeanne Barseghian, la maire verte de Strasbourg, depuis le vote lundi par le conseil municipal du "principe d'une subvention" de 2,5 millions d'euros destinée au chantier de la mosquée Eyyub Sultan. Un versement qui doit faire l'objet d'un second vote et reste conditionné à la présentation par Millî Görüs d'un plan de financement transparent.
Le ministre de l'Intérieur, qui pointe "l'islam politique" de Millî Görüs, accuse la mairie de Strasbourg de "financer une ingérence étrangère" en France. Il dit avoir averti en janvier "élus locaux" et "services de la préfecture de tentatives d'ingérences extrêmement fortes" en France, "notamment de la part de la Turquie".
La préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, a aussi indiqué mercredi avoir alerté Jeanne Barseghian sur ce projet. Mais dans un courrier adressé à Emmanuel Macron et rendu public mercredi, la maire de Strasbourg a réfuté toute "mise en garde".
Dénonçant dans un communiqué des "accusations" et des "amalgames", le président de la Confédération islamique Millî Görüs France, Fatih Sarikir, a estimé que Gérald Darmanin tenait "des propos ambigus et inexacts en nous accusant de faire de l'islam politique et d'être des pro turc".
Il a rappelé les "réticences" de plusieurs conseils régionaux du culte musulman (CRCM) et de "centaines" de mosquées face à la Charte "dans son état actuel", ratifiée "seulement" par cinq des neuf fédérations du CFCM.