Matignon accusé d'avoir élargi les pouvoirs de la police

Une décision classée "confidentiel-défense" du Premier ministre a autorisé en février dernier la police française à se dispenser d'autorisation pour examiner les factures détaillées de téléphone de tout citoyen dans les cas de "sécurité nationale", écrit - -
PARIS (Reuters) - Une décision classée "confidentiel-défense" du Premier ministre a autorisé en février dernier la police française à se dispenser d'autorisation pour examiner les factures détaillées de téléphone de tout citoyen, écrit Le Canard enchaîné.
L'hebdomadaire fait état dans son édition de mercredi le contenu d'une lettre du 17 février 2010 de Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon, qui mentionne cette mesure bénéficiant aux ministères de l'Intérieur et de la Défense dans les cas de "sécurité nationale".
Auparavant, selon une loi de 1991, les policiers ne pouvaient accéder à ces données que sur ordre d'un magistrat dans le cadre d'une enquête judiciaire, ou avec le feu vert de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), une instance indépendante, dans un cadre administratif.
Matignon a nié l'interprétation du Canard enchaîné sans toutefois démentir l'existence du document évoqué.
"Le cabinet du Premier ministre conteste les affirmations du Canard Enchaîné, selon lesquelles il aurait validé un accès sans contrôle aux données techniques de communications", lit-on dans un communiqué.
"Le directeur de cabinet du Premier ministre invitera les membres de la CNCIS à examiner l'ensemble des instructions données en exécution de ses recommandations, afin de lever toute ambiguïté", ajoute-t-il.
Le député des Verts Noël Mamère a fait état de ce supposé élargissement des pouvoirs de police lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale mardi, parlant de "barbouzeries". Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, a répondu que toutes les pratiques policières étaient régulières.
"La réalité est très simple (...) le gouvernement ne pratique aucune écoute téléphonique illégale dans notre pays", a-t-il dit.
Le dossier des pratiques policières est revenu dans l'actualité en raison de l'enquête que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a reconnu avoir menée pour identifier la source du journal Le Monde pour ses articles sur le dossier Woerth-Bettencourt.
La DCRI dit avoir examiné les communications détaillées de David Sénat, magistrat en poste au ministère de la Justice, identifié par le service comme la source du Monde et limogé de son emploi pour une mission d'étude sur la justice en Guyane.
Le directeur général de la police, Frédéric Péchenard, avait assuré dans un premier temps qu'une autorisation avait été demandée à la CNCIS pour cette enquête sur David Sénat, mais la commission a déclaré qu'il n'en avait rien été.
L'opposition de gauche soupçonne de surcroît que la police est allée plus loin dans ce dossier et a procédé à des écoutes clandestines. Le parquet de Paris a demandé à la police le détail de ses investigations, sans suite à ce jour.
Thierry Lévêque, édité par Patrick Vignal