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Politique

Marseille a besoin de tout, sauf de Tapie

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Bernard Tapie fait son retour à Marseille en prenant le contrôle des journaux du groupe Hersant, au premier rang desquels La Provence et Nice Matin. A 2 ans des municipales, ce come-back inquiète le monde politique local.

Voilà des mois qu’on ne parle, à propos de Marseille, que de faits divers sanglants, de policiers véreux, d’élus corrompus, de plans sociaux et de désastres économiques… C’est évidemment un terreau propice au populisme, donc un terrain favorable pour Bernard Tapie. Cela dit, on sait d’expérience qu’il n’est porteur d’aucune solution à ces problèmes. Tapie a toujours brandi les valeurs collectives pour servir ses intérêts particuliers. Alors c’est vrai, il a des points communs avec cette ville : un charme assez fascinant, le sens du spectacle, de l’énergie ; mais aussi la mauvaise réputation, le côté canaille. Précisément ce avec quoi Marseille doit absolument en finir.

Pour vous, il n’y a aucun doute ? C’est forcément le premier pas vers une candidature de Bernard Tapie à la mairie en 2014 ?

Il jure que non. Donc il est certain qu’il ne pense qu’à ça ! Il avait dit aussi que son offre de reprise était retirée ; on a vu ce qu’il en était… Tapie, on le connaît : il a toujours été un homme pressé, souvent un homme pressant – jamais un homme de presse. On ne l’imagine pas monter un coup pareil juste pour diriger des journaux, ni même pour gagner de l’argent. Surtout, la situation politique est idéale pour lui : la droite de Jean-Claude Gaudin est exsangue, le PS est discrédité par les affaires Guérini, aucun nouveau leader ne s’impose, et le FN est fort mais il n’a pas de candidat crédible. Pour Tapie, la Canebière n’a jamais autant ressemblé à un boulevard…

Vous iriez jusqu’à dire que s’il était candidat en 2014, il serait le grand favori ?

Vu d’aujourd’hui, ça ne fait aucun doute. A Marseille, il a déjà été élu député, conseiller général et il a fait un bon score aux élections régionales de 1992. Quoi qu’on en dise, ses années à la tête de l’OM lui valent encore la sympathie de beaucoup de Marseillais – même si ça s’est terminée avec une affaire de match truqué, la prison, et un gouffre dans les caisses du club. Et il peut disposer d’un atout plus discret : le soutien officieux de Jean-Noël Guérini, que ses ennuis judiciaires empêchent de se présenter lui-même, mais qui contrôle toujours le PS local et qui n’aidera aucun de ses rivaux…

Depuis sa chute, en 1994, Tapie a toujours dit que ses déboires avaient commencé le jour où il est entré en politique. Est-ce qu’il ne prend pas un grand risque en préparant son retour ?

Sans doute mais il y a chez lui du panache et une envie de revanche. Avoir gagné son arbitrage dans l’affaire Adidas lui a rapporté 300 millions mais surtout la conviction d’avoir été floué d’un destin politique. Alors son retour à la lumière va l’exposer à toutes les critiques ; et aussi aux enquêtes, aux rappels du passé… D’ailleurs, il faudra observer si les journaux qu’il contrôle font ou non ce travail – ce sera un moyen de mesurer la liberté que Bernard Tapie leur laisse. En tout cas, Si Tapie choisit ce risque, c’est qu’il pense avoir quelque chose à y gagner. Peut-être la seule chose qui lui manque : une forme de reconnaissance, de respectabilité. De ce point de vue, j’irais jusqu’à dire que Tapie a plus besoin de Marseille que Marseille n’a besoin de lui.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 21 décembre.

Hervé Gattegno