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Politique

Mailly : « Une logique que nous combattons ! »

Jean-Claude Mailly, invité de jean-Jacques Bourdin le mercredi 03 octobre

Jean-Claude Mailly, invité de jean-Jacques Bourdin le mercredi 03 octobre - -

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, revient sur la fusion ANPE-UNEDIC, les affaires d’EADS et du Medef ainsi que sur les tests ADN.

J-J B : L’information est tombée ce matin, « la direction et les actionnaires du groupe EADS se sont rendus coupables d’un délit d’initié massif et l’Etat connaissait la situation chez EADS et chez Airbus, c’est une note préliminaire des marchés financiers ».
J-C M : Je trouve ça scandaleux à divers titres : premièrement on sait tous qu’il y a eu des erreurs de stratégie industrielle un moment donné chez Airbus de la part de la direction, j’aurai préféré qu’elle s’occupe de la stratégie industrielle plutôt que d’essayer de gagner de l’argent. S’il y a eu délit d’initié c’est inacceptable et tout ça se traduit par un plan chez Airbus qu’on appelle le power 8 avec des suppressions d’emplois. On a toujours contesté ce plan y compris sur sa stratégie industrielle. Mais on arrive à négocier quelques aménagements pour les salariés d’Airbus mais je pense aussi aux salariés de tous les sous-traitants d’Airbus qui sont exclus de ce plan et qui vont souffrir. Des erreurs de stratégie industrielle, des délits d’initié, un gouvernement à l’époque au courant du dossier… je trouve que ça fait beaucoup.

J-J B : S’il y a confirmation de ce délit d’initié ça signifie que les hauts dirigeants du groupe ont mis beaucoup d’argent dans leur poche en vendant leurs actions, en connaissant les difficultés d’Airbus et ça signifie que le pouvoir politique était aussi au courant et qu’il doit être sanctionné ?
J C M : Si j’ai bien compris, ce sont les salariés d’Airbus et des sous-traitants qui trinquent dans cette affaire. Si tout ça est confirmé, comme quoi le gouvernement et le Ministre de l’époque étaient au courant, il faut quand même se poser des questions. A savoir si c’est normal de laisser faire ça. Moi je ne le pense pas.

J-J B : Est ce que les responsables politiques doivent être poursuivis, eux aussi ?
J-C M : A un moment donné, s’ils ont couverts oui. Il doit y avoir une sanction.

J-J B : En ce qui concerne les tests ADN, vous avez signé la pétition mise en ligne par SOS Racisme et Charlie Hebdo. Pourquoi ?
J-C M : Oui parce que je considère que c’est rompre avec une tradition républicaine française. On ne mélange pas le droit du sol avec le droit du sang. La filiation n’est pas une question uniquement génétique. Quand quelqu’un adopte un enfant c’est pour moi une filiation aussi. On rentre donc dans une mécanique que je trouve dangereuse. Mais ce n’est d’ailleurs pas le seul projet que nous critiquons dans ce projet de loi gouvernementale sur l’immigration ; il y a l’aspect ADN dont tout le monde parle, mais il y en a d’autres également. Le fait par exemple qu’on exige demain, d’un travailleur, pour qu’il puisse faire venir sa famille, ce qu’on appelle le regroupement familial, qu’il perçoive au moins 1.2 SMIC et qu’il ait un logement décent. Ça veut dire que le minimum vital reconnu par le Gouvernement pour vivre en France c’est 1.2 SMIC. Si c’est le cas, alors il faut vite augmenter le SMIC de 20% et il faut aussi avoir un vrai programme plus ambitieux de logement social. Parce qu’il y a beaucoup de gens sur le territoire qui n’ont pas un logement décent. C’est donc la mécanique d’ensemble que je condamne sur cette affaire.

J-J B : C’est à dire qu’on demande aux travailleurs venus de l’étranger et en situation régulière de gagner 1.2 SMIC, ce qu’on ne demande pas aux travailleurs français de souche ?
J-C M : Oui, alors que pour nous, les travailleurs doivent être considérés de la même manière qu’ils soient étrangers ou français, avec les mêmes conditions de travail. Là, on crée une discrimination et ça n’est pas acceptable. Quand nous avons rencontré M. Brice Hortefeux bien entendu il ne nous a pas dit oui. Nous lui avons dit que nous considérons que quand un travailleur est dans une situation irrégulière mais qu’il travaille, ça revient à dire qu’il est clandestin dans son entreprise…

J-J B : Autre affaire dont on a beaucoup parlé, l’affaire Gautier-Sauvagnac, vice président du MEDEF, président de l’union des industries et métiers de la métallurgie, sous le coup d’une enquête pour détournement de fonds. Il aurait sorti en sept ans un peu plus de 5 millions d’euros des caisses de l’union des industries et métiers de la métallurgie. Où est allé cet argent ? Est ce que les syndicats ont été financé par cet argent ?
J-C M : Je l’ai déjà dit, bien entendu que non. Et si certains avaient joué à ça ce serait une faute. J’ai découvert ça comme tout le monde dans la presse, je n’ai pas plus d’informations. C’est un problème interne au patronat qu’il doit lui même régler.

J-J B : Pourquoi est ce que les syndicats ne sont pas tenus de publier leurs comptes ?
J-C M : Les syndicats relèvent d’une loi qui est celle de 1884, qui était une manière de protéger les salariés et les syndiqués de leur affiliation syndicale. C’était une garantie pour pas qu’il y ait d’immixtion dans les comptes des syndicats. Maintenant quand les syndicats reçoivent des subventions publiques, c’est connu, c’est légitime, il y a des contrôles.

J-J B : Il y a moins de contrôle aujourd’hui que chez les politiques ?
J-C M : On n’est pas dans la même logique entre démocratie politique et démocratie sociale.

J-J B : Et pourquoi ne pas jouer la transparence totale sur le financement ?
J-C M : Sur le financement public des syndicats il y a transparence puisqu’il y a des contrôles de manière régulière.

J-J B : Mais combien d’adhérents par exemple à Force Ouvrière ?
J-C M : Personne ne dit la vérité là-dessus. Qu’est ce qu’un adhérent ? Théoriquement c’est quelqu’un qui paie une carte à l’année avec 12 timbres. Mais tout le monde ne paie pas 12 timbres. Des gens à temps partiel par exemple, le syndicat peut décider qu’ils n’ont pas à payer les 12 timbres.

J-J B : Ça représente combien les adhésions, dans vos ressources ?
J-C M : Les adhésions c’est à peu près la moitié, parfois un peu moins.

J-J B : Et le reste ?
J-C M : Le reste, ce sont des subventions qui sont publiques et officielles. Il y a deux types de subventions : celles qui sont publiques dans le cadre de la formation des conseillers prudhommes. Et après des subventions dans le cadre des organismes paritaires pour la formation des administrateurs. Tout ça est voté.

J-J B : Est ce qu’il faut changer les choses ?
J-C M : Sur la loi de 1884 non, sur le fondement non. Quand vous êtes syndiqués, vous risquez de vous faire virer. C’est pour se protéger par rapport aux fichiers des organisations syndicales. Moi-même, secrétaire général de la Confédération, je n’ai pas le fichier des adhérents. C’est une question de démocratie parce que je ne dois pas directement m’adresser aux adhérents. Je dois passer par les structures de l’organisation. C’est la démocratie par échelon successif, par mandat.

J-J B : La fusion ANPE-UNEDIC… Christine Lagarde nous dit « cette fusion doit permettre de ramener le taux de chômage à 5% avant la fin du quinquennat ». Est ce que vous y croyez ?
J-C M : Pas du tout. S’il suffisait de fusionner… On a déjà fusionné le poste du Président de la République et celui du Premier Ministre, ce n’est pas ce qui arrange les choses obligatoirement. Il y a un faux débat sur cette affaire. S’il s’agit de dire, il faut que le demandeur d’emploi, plutôt que d’aller à un endroit et faire des kilomètres pour aller à un deuxième, puisse aller quelque part où tout est regroupé sur un même lieu, là tout le monde est d’accord et c’est en train de se faire. Il y a à peu près 147 lieux qui commencent à se mettre en commun ou il y a des agents Assedic à l’ANPE ou réciproquement. On peut même accélérer ce genre de chose, le problème de fond n’est pas là. Effectivement en France il n’y a pas assez de conseillers placements par rapport à la population au chômage donc il faut qu’il y en ai plus à l’ANPE pour aider les gens.

J-J B : On fait comment, on engage des agents ?
J-C M : Ou on regarde comment l’ANPE peut redistribuer son personnel. Il y a peut être des tâches de bureaucratie qui peuvent être faites différemment. Comme le Gouvernement ne veut pas retrancher les agents, il se dit qu’on va aller prendre des salariés des Assedic et ils vont faire du placement. Sous-entendu : ils n’ont rien à faire dans les Assedic. Et la deuxième raison, celle qui m’inquiète le plus, c’est que si c’est la même structure qui fait l’ensemble, on va mettre des conditions plus dures de reprise de travail aux chômeurs. Et s’ils refusent deux offres d’emploi, ils sortiront des fichiers. Si Mme Lagarde pense que c’est en accentuant les sanctions qu’on arrivera à 5% de chômage, peut être… Mais c’est une logique que nous condamnons ; nous disons qu’il faut favoriser le rapprochement mais de là à aller à une fusion. Ce n’est pas ce qui règlera les problèmes.

J-J B : Autre sujet, la fonction publique, on sait que Force Ouvrière est un syndicat majeur dans la fonction publique comme dans la fonction privée. Pour l’instant il n’y a pas de date fixée, vous attendez quoi ?
J-C M : Les fonctionnaires se sont réunis. Ce sont les fédérations de fonctionnaires qui décident, elles se sont réunies et ne veulent pas mélanger les choses. Elles ont décidé de se retrouver vers la fin du mois pour envisager une action spécifique à la fonction publique.

J-J B : La rémunération au mérite dans la fonction publique vous êtes pour ou contre ?
J-C M : On n’est pas “chaud” sur la rémunération.

J-J B : Comment réformer la fonction publique ?
J-C M : Le premier débat, et le président de la République m’avait dit oui sur cette question, était de savoir quel est le rôle et les missions du service public dans notre République. Avec une vision dans 5 ou 10 ans. J’avais expliqué au président de la République au nom de FO et en accord avec les fonctionnaires FO, que ce n’est pas simplement un débat entre le ministre de la Fonction Publique et les fonctionnaires. Mais un débat qui concerne aussi les salariés du privé. C’est un débat où les confédérations doivent être. On nous avait dit que c’était une bonne idée et, résultat des courses, ça se transforme en un débat entre le ministre de la Fonction Publique et les fédérations de fonctionnaires.

J-J B : Est ce que les revendications salariales vont apparaître ?
J-C M : Elles sont déjà présentes. Il faut savoir qu’il n’y a eu aucune augmentation en 2007.

J-J B : C’est sur ces revendications-là que des actions seront mises en place ?
J-C M : La question du pouvoir d’achat est déterminante pour les fonctionnaires comme pour les salariés du privé. C’est le dossier prioritaire, avant la campagne électorale pendant et aujourd’hui, sur lequel il n’y a aucune réponse. Le gouvernement et le président vont très vite sur des fusions et des annonces dans tous les sens, mais il n’y a pas de réponses sur les problèmes concrets.

J-J B : De grandes enseignes comme Ikéa ou Conforama se réunissent pour obtenir le droit de travailler le dimanche, qu’en dites vous ?
J-C M : Il y a une loi qui doit être respectée. Syndicalement on essaie de la faire respecter, comme les inspecteurs du travail. Pour le Conforama du Val d’Oise, on va les poursuivre. On a demandé les astreintes prévues, c’est l’application de la loi.

J-J B : Mais il y a beaucoup de salariés qui souhaiteraient travailler le dimanche parce qu’ils sont payés plus.
J-C M : Le jour où le travail le dimanche sera banalisé, il faut que les salariés comprennent que ce sera alors un jour comme un autre et ils ne seront pas payés plus. Ils ne sont payés plus le dimanche que parce que c’est dérogatoire. Il y a cinq autorisations par année, on peut négocier. C’est une question de relativité, il y a des pays où c’est fermé le dimanche et ils ne s’en portent pas plus mal. C’est le seul jour de la semaine restant pour essayer de se retrouver dans sa vie privée. Le problème de fond est de se demander si tout le monde y trouvera réellement son compte si ça n’existe plus.

La rédaction-Bourdin & Co