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Politique

Les sportifs français ne sont (décidément) pas les champions de la morale

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Retour sur l’affaire des paris qui secoue le handball français. L’enquête est toujours en cours mais c’est le système de défense des joueurs impliqués qui me fait réagir.

Il y a quelque chose de dérangeant, de déplaisant, dans la défense des joueurs suspectés. Ils admettent volontiers qu’ils ont parié sur la défaite de leur équipe ; mais ils jurent que le match n’a pas été truqué. D’abord, c’est un défi au bon sens : qui croira qu’ils ont misé de l’argent sur leur adversaire pour tout faire ensuite pour le battre ? Surtout, leur défense exprime une confusion des valeurs manifeste : comme si l’intégrité du résultat l’emportait sur toute autre considération, comme si le terrain était sacré et qu’au dehors, tout était permis. Ce « j’ai parié mais je n’ai pas triché » c’est un équivalent sportif du fameux « responsable mais pas coupable ». C’est peut-être efficace mais c’est tout sauf glorieux.

Mais c’est à la justice de prouver s’il y a eu un trucage de la rencontre…

Evidemment – et il faudra plus qu’une vidéo pour cela. Mais dès lors qu’il est acquis que des sommes ont été misées par des joueurs et leurs proches, la règle est violée – et ce serait une coïncidence stupéfiante que cet unique pari ait été gagnant par l’opération du Saint-Esprit. C’est là qu’on reste confondu par la bêtise du procédé et la médiocrité du comportement des joueurs. Comme les footballeurs (en moins riches), les handballeurs sont des stars, donc des modèles. Leur gloire leur donne un devoir d’exemplarité. Ceux-là n’ont pas été à la hauteur. On a un peu honte pour eux. Et on a le droit de leur en vouloir.

Cette affaire remet-elle en cause tout le sport français ?

Il y a bien quelque chose de pourri au royaume du sport professionnel en France : trop d’argent, d’avidité, de privilèges, d’incivisme. Même dans les sports d’équipe, c’est l’individualisme forcené qui règne. Et puis trop de laisser aller de la part des fédérations. Les affaires de dopage (Festina) et de corruption (VA-OM) provoquent des séismes qu’on s’empresse d’oublier au nom de l’intérêt général du sport sans en tirer les leçons. Tous les sportifs ne sont pas des tricheurs. Mais on fait trop facilement semblant de croire qu’ils peuvent frauder « à l’insu de leur plein gré » ou par désinvolture. Sans doute qu’on a tort d’investir en eux des valeurs morales qui leur sont étrangères.

L'opération policière, dimanche, juste après le match PSG-Montpellier, devant les caméras, était-elle vraiment normale ?

La justice spectacle est toujours choquante. Mais dans cette affaire, on pourrait relever aussi que les arrestations ont été différées pour laisser jouer un match important. Et se demander pourquoi les juges ont couru le risque de laisser les suspects se concerter pour préparer leur défense. La réalité, c’est que les champions sont presque toujours mieux traités que les justiciables ordinaires – mais qu’il se trouve plus de monde (y compris chez les journalistes) pour s’émouvoir de leur sort que de celui d’un patron ou d’un homme politique. Il est rare qu’ils le méritent.

Pour écouter Le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 2 octobre, cliquez ici.

Hervé Gattegno