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"Définitivement" éloigné de la politique, Sarkozy préserve son costume de "parrain" de la droite

Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy - Thibaud Moritz/ AFP

Toujours populaire auprès de la base militante de LR, l'ancien chef de l'État exerce toujours une force d'attraction vis-à-vis de la jeune garde du parti. Mais son rôle, dans les années à venir, risque bien de se borner à l'ordre du symbolique.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Alors que vient de paraître le dernier ouvrage de Nicolas Sarkozy, Passions, dans lequel l'ex-chef de l'État évoque son parcours politique jusqu'à l'élection présidentielle de 2007, la vieille garde semble inscrite aux abonnés absents.

"Ils sont où les Brice Hortefeux, les Nadine Morano? D'habitude on a droit au sketch bien ordonnancé de tout le Sarkoland, qui vient se pâmer au nom du patron. Et là c'est le silence total, c'est hallucinant!", s'écrie, goguenard, un ancien dirigeant de la droite auprès de BFMTV.com. 

Seul au service après-vente

Pour être tout à fait précis, l'un comme l'autre des deux sarkozystes cités ont quelques apparitions médiatiques récentes à leur compteur. Elle datent de la démission surprise de Laurent Wauquiez de la présidence du parti Les Républicains. Sur RTL le 3 juin, Brice Hortefeux, interdit d'avoir le moindre contact avec son mentor depuis mars 2018 dans le cadre de l'affaire dite du financement libyen, affirmait que Nicolas Sarkozy avait "un rôle, une autorité, une légitimité pour prodiguer des conseils afin de reconstruire" la droite. 

Une semaine plus tôt, Nadine Morano soulignait combien d'après elle, "personne n'arrive à la cheville" de l'ancien président de la République. "Il incarnait un charisme incroyable", déclarait l'eurodéputée sur LCI. 

Depuis la parution de Passions jeudi dernier toutefois, c'est le "boss" qui assure, seul, son service après-vente. D'abord à l'occasion d'une séance de dédicace dans le XVIe arrondissement, puis sur le plateau de France 2 dimanche soir, interrogé par Laurent Delahousse.

"Il faut savoir où est sa place. La mienne n’est plus dans la vie politique partisane. Je n’ai pas de calendrier politique", a assuré Nicolas Sarkozy. 

"Un incroyable dynamisant"

Sur le papier, l'option d'un énième retour de l'ex-locataire de l'Élysée semble donc définitivement écartée, a fortiori au sein d'un parti qui tente péniblement de réédifier ses murs porteurs. Avec, si possible, des idées nouvelles pour en assurer la pérennité. En revanche, le confortable statut de "figure tutélaire de la droite" est, lui, encore loin d'être périmé. 

"Nicolas Sarkozy a une existence iconique, c'est une valeur refuge quand la droite est en crise. Ce qui arrive souvent malheureusement", reconnaît le député de l'Aisne Julien Dive, membre du Comité du renouvellement de LR, fondé après la déroute des élections européennes. 

"Il ne s'interdit rien, mais il n'y a pas de stratégie de retour. Il est beaucoup consulté par la jeune génération. Il a un statut de parrain, il a une influence, ça lui plaît d'ailleurs. Quand on a créé le Comité du renouvellement, il nous a donné des conseils bienveillants. Sarko, c'est un incroyable dynamisant, un moteur", poursuit l'élu. 

La stratégie du retour est d'autant plus compliquée par le calendrier judiciaire - le Conseil constitutionnel a validé le renvoi de Nicolas Sarkozy en correctionnelle dans le dossier Bygmalion - et les activités de l'ex-président dans le groupe hôtelier AccorHotels. Les actionnaires de ce dernier lui ont récemment renouvelé, à 99,38% des voix selon Capital, son poste d'administrateur indépendant.

Selon l'entourage de l'ancien ministre de Jacques Chirac, cet éloignement de l'arène politique convient très bien à son épouse. "Carla (Bruni) ne souhaite pas du tout qu'il revienne dans le circuit. Et ça c'est très important aux yeux de Nicolas", affirme son ami Alain Marleix, vieux routier de la sarkozie triomphante.

"La figure tutélaire n'a plus rien à tuteller"

Mais de fait, quand bien même les LR chercheraient, eux, à dissiper sciemment le spectre sarkozyste, ils se heurteraient à la popularité très forte de l'ancien maire de Neuilly auprès des sympathisants de droite. 

"Il incarne la droite victorieuse de 2007, mais aussi celle qui s'est divisée par la suite. Certains lui reprochent d'avoir plombé Laurent Wauquiez et la campagne de François-Xavier Bellamy. Donc l'ombre est pesante, mais elle a vraiment la cote chez les militants. C'est toute la complexité du problème", décrypte une députée pourtant révérencieuse à l'égard de Nicolas Sarkozy. 

Dans une enquête Ifop parue dans Le Journal du Dimanche, 76% des Français sondés déclarent pourtant ne pas souhaiter un retour de l'intéressé. Un ancien ministre, un temps proche de la sarkozie, estime que "la figure tutélaire n'a plus rien à tuteller (sic)".

"Dans le parti, tout le monde en a marre. On a pu se débarrasser de Wauquiez, si c'est pour se retaper ça au moment où Christian Jacob cherche justement à rouvrir les fenêtres... Quant aux jeunes élus qui vont lui rendre visite, à part lui baiser la babouche et obtenir un déjeuner gratuit, je ne vois pas trop ce qu'il en ressort."

La passerelle Jacob

Favori de l'élection à la présidence de LR, qui doit avoir lieu en octobre, Christian Jacob a toujours entretenu de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy. Durant la guerre entre Jean-François Copé et François Fillon fin 2012, le député de Seine-et-Marne avait pris soin de soutenir le candidat le plus Sarko-compatible (à l'époque), à savoir le maire de Meaux. 

"Jacob, c'est le point d'équilibre entre Wauquiez et Sarkozy", estime un cadre dirigeant du parti, d'après qui le patron des députés LR risque d'être, si élu, une courroie de transmission pour l'ex-chef de l'État. "C'est le pion", résume cette source. À l'en croire, le sarkozisme subliminal a de beaux jour devant lui.

Jules Pecnard