Les Républicains hésitent entre garder et exclure Sens commun

Laurent Wauquiez - PHILIPPE DESMAZES / AFP
L'aile "constructive" des Républicains n'est pas la seule à diviser chez LR. À l'autre bout de l'éventail des sensibilités du parti, Sens commun procure également des insomnies à la droite. La place de cette émanation de La Manif' pour tous, intégrée à LR depuis 2014, est au menu du bureau politique décidément chargé de ce mardi. Contrairement aux cas des ministres et députés constructifs, aucune exclusion ne devrait être prononcée dans l'immédiat, tant le sujet est sensible rue de Vaugirard.
Le mouvement conservateur catalyse la tension autour de la "droitisation", qui menace de fracturer Les Républicains. À l'heure où Laurent Wauquiez, tenant d'une ligne "à droite toute", semble promis à la présidence de LR en décembre, la présence au sein du parti d'une entité flirtant régulièrement avec le Front national résume le malaise d'un certain nombre de personnalités du parti.
Dérive droitière
Comme Christian Estrosi, qui dénonçait dans un courrier adressé au secrétaire général de LR Bernard Accoyer une "collusion malsaine avec ces idées écœurantes et ceux qui les défendent", Xavier Bertrand s'est alarmé d'une "dérive", dans le JDD :
"Un parti qui veut exclure les 'Constructifs' et ne veut rien faire concernant Christophe Billan (président de Sens commun, qui s'est déclaré favorable, dans un entretien au magazine L'Incorrect, à une "plateforme" commune avec Marion Maréchal-Le Pen, NDLR), c’est un parti qui fait un vrai choix idéologique."
Dans le même entretien, Christophe Billan a notamment estimé qu'on ne pouvait selon lui être français sans être chrétien. Maël de Calan, candidat à la présidence des Républicains, a réclamé dans la foulée de ces déclarations l'exclusion du président de Sens commun de LR. Dans la pétition exigeant ce renvoi, il écrit:
"Le projet des Républicains est de rassembler la droite et le centre, pas de fusionner la droite et l'extrême droite. Vous caricaturez notre parti, comme d'ailleurs l'engagement de nombreux adhérents de Sens commun."
S'il condamne les propos de Christophe Billan, le juppéiste reste toutefois prudent, et se garde bien d'attaquer de front Sens commun.
Stratégie entriste
C'est que, à la faveur du sauvetage du candidat Fillon et du rassemblement du Trocadéro, Sens commun a pris une importance stratégique au sein des Républicains. Quantitativement, Sens commun ne représente que 10.000 des 235.000 adhérents des Républicains. La branche politique de La Manif' pour tous ne compte qu'une dizaine de conseillers départementaux, et une dizaine de conseillers régionaux. Toutefois, le mouvement bénéficie d'une véritable force de frappe militante.
"Ils pèsent moins qu'on ne le pense, mais ils sont très organisés", explique au JDD un élu LR. "C'est une minorité agissante."
Dans L'Incorrect, Christophe Billan gonfle ainsi ses muscles: "Désormais, nous sommes des acteurs majeurs du parti […]. La force de Sens commun, c’est que les derniers militants de droite, c’est chez nous." Interrogé par Mediapart, un cadre de LR constate: "L’entrisme de Sens commun est une stratégie délibérée, assumée depuis longtemps."
"Si l’UMP est opportuniste, soyons sa meilleure opportunité. Il ne s’agit pas de se laisser récupérer mais de récupérer ce qui devait nous appartenir en premier lieu", écrivait en 2013 la cofondatrice de Sens commun, Madeleine Bazin de Jessey sur le site Boulevard Voltaire, très marqué à droite.
Embarras chez Wauquiez
Sens commun désormais bien implanté chez Les Républicains, la direction se trouve dans l'embarras, comme l'explique un cadre à Mediapart:
"Si on se coupe déjà le bras 'centre-droit' en excluant les 'Constructifs', puis le bras 'droite-droite en excluant Sens commun, qu’est-ce qu'il va nous rester?"
Invité de BFM Politique ce dimanche, Éric Ciotti, soutien de Laurent Wauquiez, a réaffirmé que les militants du mouvement conservateur avaient "leur place au sein des Républicains", à condition qu'ils "respectent le cadre" du parti. "On a donné médiatiquement à Sens commun une place, une influence qu'ils n'ont pas", a tenté de minimiser le député des Alpes-Maritimes.
Le camp Wauquiez, qui s'est depuis longtemps attaché à donner des gages à Sens commun, d'abord sur la loi Taubira, puis sur la PMA, est aujourd'hui dos au mur, et ne peut plus brandir que la "ligne rouge" de l'alliance avec le Front national pour marquer une distance avec Sens commun.
Épouvantail
"Cette affaire est ennuyeuse pour nous", glisse au JDD un proche de Laurent Wauquiez. De nouveaux appels du pied de Sens commun au FN le contraindraient à sortir de sa posture attentiste, or "il sait que derrière, il y a des milliers de militants sincères dont il ne veut pas se séparer".
Alors que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes tente d'apparaître comme le rassembleur de son camp, par exemple en débauchant la juppéiste Virginie Calmels, les dirigeants de Sens commun exposent Laurent Wauquiez aux critiques de ceux qui dénoncent sa ligne identitaire.
"Ce sont les idiots utiles de Darmanin, Solère et compagnie, ils cornérisent nos idées, nos convictions. Sens commun est devenu un Parti chrétien-démocrate bis, ou un MPF (Mouvement pour la France)", regrette dans Le Monde Sébastien Pilard, cofondateur démissionnaire de Sens commun..