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Politique

Les opposants au mariage gay en font trop – et trop longtemps !

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Le projet de loi sur le mariage homosexuel revient demain en 2è lecture à l’Assemblée dans un climat de tension, avec la multiplication de manifestations surprises.

Autant il est sain que les oppositions s’expriment dans la société, dans le débat public, au Parlement mais aussi en dehors, autant on est passé maintenant d’une opposition légitime à l’obstination stérile. Dans certains cas, on est même tout près de l’obstruction imbécile. Arrêter un TGV, hurler sous les fenêtres d’un ministre, dire que « du sang » va couler, ce n’est pas le registre du débat mais des coups bas. Comme les groupuscules d’extrême-droite sont de plus en plus actifs dans cette guérilla, le mouvement est en train de sombrer dans le discrédit – donc de desservir sa propre cause. A tous points de vue, ça a assez duré.

Le paradoxe, c’est que l’opinion est peut-être en train de s’inverser. Un sondage vient de donner pour la 1ère fois une majorité aux adversaires de la réforme…

C’est vrai mais on peut penser que ce chiffre traduit surtout une lassitude de l’opinion. Les opposants ont hurlé pendant des mois que le gouvernement empêchait le débat ; la vérité, c’est qu’on les a bien assez entendus ! D’autre part, ce ne sont pas les militants de la cause homosexuelle qui ont été majoritaires dans ce débat : c’est l’idée d’accorder aux homosexuels le même droit qu’aux autres, donc l’égalité, la tolérance. Quoi qu’on en dise, ce sont des valeurs qui comptent dans la société française. Et en démocratie, les décisions ne sont pas prises en fonction de l’opinion mais des élections.

Les opposants reprochent à F. Hollande d’avoir accéléré le calendrier parlementaire pour faire passer le teste avant leur grande manifestation du 26 mai. Est-ce que c’est un facteur supplémentaire de radicalisation ?

C’est une manœuvre, mais ce n’est pas pour autant un « coup d’Etat » comme le crient certains leaders de l’UMP. La Constitution donne à l’exécutif la maîtrise de l’ordre du jour au Parlement. Il serait paradoxal que ceux qui lui reprochent d’user de ce pouvoir soient les mêmes qui lui réclament un référendum sur le mariage, dont tout le monde sait qu’il serait anticonstitutionnel – et aussi ceux qui l’ont accusé de faire diversion avec ce projet qui lui demandent de temporiser. Quant à savoir si cette accélération peut éviter la radicalisation ou alors l’attiser, il y a un risque : faute d’une manif historique, le mouvement peut dégénérer en une série de petites manifs hystériques. Comme ça ne changera rien à l’issue, ce serait ce qu’on appelle un combat d’arrière-garde.

Au total, si la loi est adoptée, ce sera un succès politique pour François Hollande ou une victoire qui lui aura coûté cher ?

Plutôt un succès – les occasions de se réjouir ne sont pas si nombreuses. Il a sûrement péché par naïveté en sous-estimant la capacité de la société française à se diviser (et en surestimant sa capacité à l’apaiser). Mais ce sera une réforme de gauche à son actif, qui pourra en partie compenser les frustrations que crée sa politique économique dans son électorat. Et puis il aura montré sa fermeté face à un mouvement d’opinion, même radicalisé. C’est un pari politique qui valait bien – non pas une messe – mais… une noce.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 16 avril.

Hervé Gattegno