Les Bleus, une victoire contre le blues

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, c'est tous les jours à 8h25 sur RMC. - -
Si la France avait été éliminée, l’échec aurait eu des effets sur le moral des Français – qui n’est déjà pas bien haut. A contrario, la victoire a un effet positif. Elle ne chasse ni la crise, ni le chômage ni les angoisses qui en découlent ; mais elle dissipe (un peu) le défaitisme ambiant.
Hier soir, il régnait autour de l’équipe une ambiance de concorde nationale qui était réjouissante: c’était plus fort que pour les célébrations de 14-18, moins hypocrite qu’après les injures racistes contre Christiane Taubira. Il y a une France qui voit rouge, une autre qui broie du noir ; pour quelques jours au moins, c’est le bleu qui l’a emporté.
François Hollande s
C’est de bonne guerre – tous ses prédécesseurs ont essayé de tirer un profit politique des résultats des Bleus (jusqu’au ridicule, comme Chirac et Jospin en 98). Comme souvent, François Hollande a un peu appuyé son effet mais les bonnes nouvelles sont rares. Cela dit, si on file sa métaphore jusqu’au bout, Didier Deschamps n’est sans doute pas pour rien dans le succès français mais ses choix du match aller étaient désastreux – il les a corrigés. Dans la bouche de François Hollande, c’était peut-être la justification des revirements politiques qui lui sont reprochés.
Les joueurs ont été très critiqués après le match aller pour leur manque d
Le tort que l’on a, en France, est de considérer les sportifs comme des représentants de la nation et du peuple, si bien qu’on ne leur pardonne aucun écart – ni surtout de gagner trop d’argent. On veut qu’ils soient non seulement des champions mais des héros et des modèles, mieux que des élus. Ce sont des jeunes gens, peu ou mal formés à autre chose qu’à leur sport.
Je ne suis pas sûr qu’ils aient voulu gagner pour la France. Ils se sont battus pour eux, pour leur palmarès, pour la valeur de leurs contrats. Mais en gagnant, ils ont fait ce que les Français attendaient d’eux. C’est une contribution à la fierté nationale qui a certainement plus de prix que la taxe à 75%.
L
L’identification joue dans les deux sens. Sans doute que malgré tout, ces joueurs de différentes couleurs et origines se sentent français quand ils portent le maillot bleu – et l’ensemble des Français les reconnait comme tels. S’ils avaient perdu, la tentation aurait été grande chez beaucoup de Français (et de commentateurs) de faire de l’équipe le symbole de la France des égoïsmes, de l’intégration en panne et même du communautarisme. Aujourd’hui, les mêmes saluent la bravoure de cette équipe multicolore, multiethnique et multiconfessionnelle – et ça doit faire grimacer les supporters étriqués de la France recroquevillée. C’est une victoire qui vaut autant qu’un billet pour le Brésil.