Le traité budgétaire européen exige un vrai débat démocratique

Hervé Gattegno - -
Ce qui agite la gauche, c’est un trouble, un malaise face à ce qui ne peut apparaître que comme un reniement. Quoi que l’on pense du bien fondé de ce traité, il faut se rappeler que François Hollande l’a dénoncé durant toute sa campagne. Il avait promis de « renégocier » ce texte, dont il disait qu’il symbolisait le renoncement des gouvernants européens (Sarkozy et Merkel en tête) face à la crise et aux marchés financiers. Or c’est ce texte au mot près qu’il demande à sa majorité de voter. Et en plus, Jean-Marc Ayrault et Martine Aubry exigent le silence dans les rangs – chez les Verts comme au PS. Ce n’est pas à proprement parler ce qu’on peut appeler faire vivre le débat.
Vous trouvez que Jean-Luc Mélenchon a raison de réclamer un référendum sur ce sujet ?
Il ne serait pas illogique de consulter les citoyens dès lors que la souveraineté budgétaire de la France est en cause – même indirectement. Or c’est bien le cas puisque le traité prévoit des sanctions automatiques en cas de manquement à la « règle d’or ». Cela dit, le Conseil constitutionnel s’est contorsionné pour dire que la ratification du traité n’impose pas le référendum. Au grand (et lâche) soulagement de François Hollande et de l’UMP, car tout le monde sait qu’un vote des Français se solderait très probablement par le rejet du traité. C’est bien pour cela que Mélenchon le réclame. Et c’est pour cela qu’il n’aura pas lieu. C’est tout de même un comble, en démocratie, de s’abstenir d’interroger les citoyens quand on sait qu’ils ne sont pas d’accord !
Jean-Marc Ayrault réclame l’unité de la majorité pour éviter le risque d’affaiblir le président de la République face aux partenaires européens, et notamment l’Allemagne. Est-ce que c’est un bon argument ?
Le silence n’est sûrement pas une bonne politique. Oui, une division de la majorité sur ce point fragiliserait François Hollande – mais la division existe déjà et on voit mal comment les Verts au moins pourraient voter le texte sans se renier ouvertement. Surtout, l’absence de débat affaiblit bien davantage la démocratie elle-même que le président – et elle creuse encore davantage le discrédit de l’idée européenne dans l’opinion. A chaque étape, les promoteurs de la construction européenne ont cherché à imposer leurs vues par une forme d’intimidation – cette idée qu’il n’y aurait pas d’autre politique possible. La crise a achevé de rendre insupportable cette pensée obligatoire. D’ailleurs, ce débat qu’on veut escamoter, il a lieu dans d’autres pays et notamment en Allemagne – y compris au sein du SPD, le parti social-démocrate allemand.
Est-ce que la question de fond n’est pas de savoir s’il existe – ou pas – une alternative aux politiques d’austérité qui sont menées aujourd’hui en Europe ?
Evidemment. De plus en plus d’économistes de 1er plan disent que les saignées imposées aux économies européennes vont finir par tuer les malades. L’une des forces de François Hollande pendant sa campagne a été de contester cette évidence. Qu’il s’y soit finalement rendu, c’est peut-être le choix de la raison – admettons. Mais un tel revirement en quelques mois d’exercice du pouvoir mériterait une pédagogie moins désinvolte – et moins autoritaire. Il ne faut pas confondre la discipline budgétaire, qui est une vertu du pouvoir, et la discipline politique, qui est un abus de pouvoir.
Pour écouter Le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 28 août, cliquez ici.