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Politique

Le Premier ministre n’avait rien à faire au Vatican

Le Parti pris d'Hervé Gattegnon, du lundi au vendredi sur RMC à 8h25.

Le Parti pris d'Hervé Gattegnon, du lundi au vendredi sur RMC à 8h25. - -

M. Valls a assisté à Rome aux cérémonies de canonisation des papes Jean XXIII et Jean Paul II. Ce lundi, Hervé Gattegno manifeste son désaccord. Pour lui, le Premier ministre n’avait rien à faire au Vatican. Explications...

On l’a assez dit, notre République est laïque ; c’est écrit à l’article 1 de la Constitution. Pour cette raison, le Premier ministre n’a pas à représenter la France dans une cérémonie purement religieuse qui ne la concerne pas. Si on se rappelle en plus qu’en 2011, le PS reprochait à F. Fillon de s’être rendu au Vatican pour des raisons identiques (la béatification de Jean Paul II), on mesure que la démarche de M. Valls n’est ni cohérente ni conséquente. Et comme des pèlerins français en ont profité pour le huer, on voit qu’elle n’était pas non plus convaincante. C’était un déplacement… déplacé.

Beaucoup d'observateurs évoquent un geste d'apaisement vis-à-vis de l'électorat catholique français, qui a été heurté par la loi sur le mariage gay. C'était une visite politique ?

Toute visite officielle du premier ministre est politique. Si M. Valls a voulu envoyer un signal aux catholiques, c’est estimable mais pour sa fonction, c’est pire. Il est vrai que l’électorat catholique le plus conservateur (le plus réac, même) l’a pris en grippe parce qu’il a fait donner les CRS au moment de la « manif pour tous » – et que les débats (oiseux) sur la théorie du genre à l’école ont aggravé ce préjugé. Il n’empêche que M. Valls, qui a toujours défendu la laïcité contre les dérives religieuses et communautaires, a eu tort de faire une exception à la neutralité de l’Etat. S’il l’a fait par conviction, c’est une erreur. Si c’est par tactique, c’est une faute.

Il se trouve que M. Valls est catholique et ne le cache pas, et que la France est un pays d'histoire et de tradition catholique. Est-ce que ça vaut la peine d'en faire une affaire ?

M.Valls a été enfant de chœur mais il ne l’est plus. C’est un politique chevronné, qui a réfléchi et écrit sur la laïcité, et qui sait que son image droitière est un handicap auprès d’une partie de sa majorité – qui lui demande d’abjurer sa foi dans l’austérité ; auprès des députés-là, sa visite au Vatican ne contribue pas à l’apaisement. Donc c’est une affaire politique mais politiquement, M. Valls ne fait pas une affaire… Sur le fond, il faut avoir l’honnêteté de dire que si un PM était allé célébrer une fête musulmane dans un pays arabe, une grande majorité de Français aurait été choquée – à juste titre. N. Sarkozy parlait de « laïcité positive ». M. Valls a peut-être inventé la laïcité… alternative.

Pendant que M. Valls était au Vatican, L'Elysée et A. Montebourg bataillaient pour trouver une solution sur le dossier Alstom. Est-ce que ce n'était pas, en plus, une coïncidence malheureuse ?

C’est même un contre-signal. M. Valls est censé être au front dans la bataille pour l’emploi et la croissance – et c’est cela qui justifie le plan d’économies drastique qu’il soumet aux députés cette semaine. Qu’il ait été se recueillir chez le pape pendant qu’à Paris se jouait l’avenir d’une des plus grandes entreprises françaises, c’était fâcheux au moins en terme d’image. Et puisqu’on a surtout vu se démener le ministre du redressement productif, pour M. Valls, c’était un symbole plutôt contre-productif.

La rédaction