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Politique

La République ne doit pas abandonner Marseille

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno,du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno,du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -

Situation de crise à Marseille, après que la sénatrice (PS) Samia Ghali a réclamé le recours à l’armée pour rétablir l’ordre dans les cités. Le gouvernement rejette sa demande mais Jean-Marc Ayrault a convoqué une réunion interministérielle la semaine prochaine à Matignon.

On aurait tort de prendre l’appel de S. Ghali pour une exagération marseillaise. Bien sûr, son idée de militariser les cités heurte les principes ; mais elle révèle le désarroi profond de la population et des élus. La ville n’est pas en guerre, c’est vrai, mais elle est en danger. Le risque serait qu’elle soit aussi à l’abandon. Qu’on finisse par se dire qu’il y a une fatalité à n’entendre parler de Marseille que pour le football et les règlements de comptes. Cette tentation nationale existe, de folkloriser les drames de cette ville – on dit : « C’est Marseille… » Cette fois, il faut se forcer à prendre la situation au sérieux. Parce que la 2è ville de France est réellement dans un sale état. Un état d’urgence.

Qu’est-ce qui peut expliquer que Marseille en soit arrivée là ? Pourquoi y a-t-il plus de violences qu’ailleurs ?

C’est une faillite générale de l’Etat, de la politique, et des Marseillais eux-mêmes. Le niveau de la délinquance est évidemment le symptôme le plus voyant, mais la ville cumule les plus grandes pathologies françaises à des niveaux alarmants : 28% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, 25% des jeunes sont en échec scolaire (contre 15% au plan national), 14% de chômeurs. Il y a des facteurs criminogènes objectifs: une ville portuaire, des vagues d’immigrations successives, un urbanisme inconséquent. Mais rien de sérieux n’a été fait pour empêcher que la ville soit à la dérive.

Le maire de Marseille, JC Gaudin, répond que la ville « n’a pas besoin d’un appel à la guerre civile ». Vous êtes d’accord avec lui ?

Hélas, JC Gaudin est plus à l’aise pour dire ce dont la ville n’a pas besoin que pour faire ce dont elle a besoin. Lui-même a toujours freiné le développement de la police municipale et il a très longtemps refusé la vidéo-surveillance, contrairement aux maires des villes comparables. C’est un des autres drames de Marseille : l’impotence du pouvoir politique local, avec JN Guérini discrédité par les « affaires » et « bunkerisé » au conseil général, la communauté urbaine ingouvernable et JC Gaudin qui a perdu toute autorité. Il ne faut pas s’étonner que la ville soit à l’abandon – pas toujours au sens figuré… Les délinquants sont surarmés et les politiques, désarmés.

Vous en appelez à la République. Que peut-on faire exactement pour sortir Marseille de l’impasse ?

Mobiliser des moyens exceptionnels dans tous les domaines. Considérer la ville toute entière comme une zone de sécurité, d’éducation et de développement économique prioritaire. Aider les entreprises industrielles à s’implanter pour créer des emplois non qualifiés. Fixer des objectifs chiffrés dans tous les secteurs et demander des comptes – sur la sécurité, la propreté, l’école, les services sociaux. Mettre la ville sous pression. Autrement dit – et n’en déplaise aux Marseillais, qui ont aussi leurs contradictions: réaffirmer la présence de l’Etat dans la ville, pour sortir la ville de son état.

Pour écouter Le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce Vendredi 31 août, cliquez ici.

Hervé Gattegno