La manif pour tous… un coup pour rien

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé dimanche contre le mariage homosexuel. Le gouvernement maintient néanmoins son calendrier. Pour vous, rien ne s’y oppose désormais.

Les organisateurs n’ont pas échoué à mobiliser, mais ils n’ont pas réussi à provoquer ce raz-de-marée qui était leur objectif – comme en 1984, où le défilé pour l’école libre avait réuni 1 million de personnes. Il faut dire que c’est un mouvement moins structuré (même l’église n’a pas lancé d’appel officiel, ni aucun parti politique) et une cause moins homogène (certains sont contre le mariage, d’autres contre l’adoption, la PMA…). Au total, c’était moins une démonstration de force qu’une manifestation d’intolérance – puisqu’il ne s’agit pas, comme en 1984, de défendre un droit mais d’en refuser un. Ça ne suffira pas à faire vaciller le gouvernement.

Beaucoup de participants à la manifestation ont reproché au gouvernement d’avoir escamoté le débat sur un sujet de société aussi important. Cela vous paraît-il fondé ?

Il faut être d’une totale mauvaise foi pour soutenir cela. Cette réforme, Christian Taubira l’a présentée en septembre dans la presse, puis en novembre au conseil des ministres. Les dirigeants des associations et des religions ont été reçus à l’Elysée (alors que c’est un sujet laïc, qui ne les concerne pas au 1er chef), on a lu des kilomètres d’articles, d’éditoriaux. Il y a même eu un débat au sein du PS sur la question du droit à la PMA – que François Hollande a voulu déminer en renvoyant ce point à la prochaine loi sur la famille. Et à l’Assemblée, 2 semaines de discussion sont prévues (week-end compris) : c’est tout sauf un débat à la sauvette. En tout cas, c’est plus que pour envoyer nos soldats faire la guerre au Mali…

Jean-François Copé, qui a défilé dimanche, estime que François Hollande devrait convoquer un référendum. C’est aussi ce que réclament 115 parlementaires UMP, dans un appel lancé par Henri Guaino. Est-ce une bonne idée ?

C’est d’abord une idée inapplicable : les sujets de société n’entrent pas dans le champ du référendum. C’est aussi une idée dangereuse : elle ne peut qu’attiser les clivages, souligner les différences, au risque même de rendre le débat malsain, éprouvant pour l’ensemble des Français. Et puis c’est une idée hypocrite : beaucoup d’opposants à la réforme ont reproché aux socialistes d’avoir agité le sujet du mariage gay pour faire diversion par rapport aux difficultés économiques ; le référendum qu’ils réclament en ferait carrément le débat central pendant plusieurs mois. Quoi qu’on en pense sur le fond, ce serait évidemment disproportionné.

Si le pouvoir ne tient aucun compte d’une manifestation aussi importante, est-ce qu’on ne risque pas, quand-même, de parler d’un déni de démocratie ?

Ce serait injuste. La rue et le référendum ne sont quand-même pas les seules formes d’expression démocratique ! François Hollande avait promis cette réforme durant sa campagne. Il a gagné. Le PS, qui la réclame, a gagné les législatives. Et les sondages montrent que les Français sont acquis au mariage gay (mais pas forcément l’adoption). Donc le plus raisonnable serait de redonner à ce débat ses justes proportions: c’est un sujet qui donne à réfléchir, pas l’objet d’une guerre civile. L’échec relatif du défilé d’hier, c’est d’avoir fait comprendre que le mariage homosexuel ne sera pas la cause d’un divorce entre le pouvoir et l’opinion.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 14 janvier.

Hervé Gattegno