La justice relance l'enquête dans l'affaire de Villiers-le-Bel

La justice a ordonné mercredi un supplément d'information dans l'affaire de Villiers-le-Bel, ville du Val-d'Oise où deux jeunes circulant à mini-moto avaient été tués le 25 novembre 2007 dans une collision avec un véhicule de police. /Photo d'archives/REU - -
PARIS (Reuters) - La cour d'appel de Versailles a infirmé mercredi un non-lieu rendu en octobre dans l'enquête sur la mort de deux jeunes gens renversés par une voiture de police en novembre 2007 à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) et ordonné la mise en examen d'un policier.
La chambre de l'instruction décide que le policier qui était au volant de la voiture sera poursuivi pour "homicide involontaire" et elle confie à son président un complément d'information, a dit à Reuters le parquet général. Ce dernier requérait la confirmation du non-lieu mais n'est pas suivi.
Dans le contexte délicat des banlieues françaises, qui s'étaient embrasées en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par des policiers, la décision a suscité la satisfaction des familles de victimes.
Le drame avait provoqué deux nuits de violence à Villiers-le-Bel, sévèrement réprimées par la justice.
Dix personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme en juillet 2009, dont sept envoyées directement en détention dès la première instance. Cinq autres suspects soupçonnés de tentatives d'homicides sur policiers doivent être jugés aux assises, sans doute l'été prochain.
Les familles des victimes, qui estimaient que la justice traitait cette affaire et les violences qui avaient suivi selon deux points de vue différents, se sont dites soulagées.
"Là, vraiment, je viens d'apprendre une très bonne surprise qui m'a soulagé. Là au moins je sens qu'il y a une justice et qu'elle fait son travail", a dit le père d'une des victimes sur RTL. "Je ne voulais pas entendre que mon fils était mort par sa faute. Au moins le dossier sera examiné".
"DEVOIR DE PRUDENCE"
Le juge d'instruction avait conclu au non-lieu après une instruction ayant montré que selon lui, il n'y avait eu aucune faute imputable aux policiers.
Selon la version alors retenue, ils auraient conduit à une allure normale et été percutés par les deux jeunes qui roulaient trop vite et sans casque.
"La chambre de l'instruction retient de son côté le devoir de prudence et le fait qu'un chauffeur, même celui d'un véhicule de police prioritaire, doit mesurer sa vitesse et que les fautes des autres n'effacent pas les siennes", a expliqué à Reuters un magistrat du parquet général de Versailles.
L'instruction devra déterminer avec précision la vitesse du véhicule de police. Les éléments du dossier, expertises et dépositions, sont plutôt divergents pour l'instant.
Après le complément d'information mené par son président, la chambre de l'instruction devra décider ou non de renvoyer le policier en correctionnelle pour y être jugé.
Me Jean-Pierre Mignard, avocat des familles de victimes, a salué dans cet arrêt "un fait rare"."C'est une décision de sagesse, de justice et de paix qui ne peut qu'aider à la sérénité", a-t-il déclaré sur Europe 1.
Selon l'avocat, un rapport d'expertise contredit les témoignages des policiers, qui affirmaient rouler à 40-50 km/h au moment des faits. Il conclut que la vitesse était en fait de 64 km/h, donc supérieure à la réglementation.
Le problème est ensuite de savoir si la voiture de police, qui avait été appelée en renfort sur une intervention, selon le parquet, avait le droit de rouler à telle vitesse.
Le syndicat de police Alliance "s'étonne" dans un communiqué d'une décision qui selon lui "s'inscrit une nouvelle fois dans cette suspicion permanente à l'égard des policiers qui exercent, au quotidien, leur métier dans des conditions difficiles et de plus en plus périlleuses".
Thierry Lévêque, avec Nicolas Bertin, édité par Sophie Louet