"Prise pour une assistante": la députée Clémence Guetté dénonce le sexisme ordinaire à l'Assemblée nationale

La politique, toujours un monde d'hommes? L'Assemblée nationale a beau être dirigée par une femme Yaël Braun-Pivet tout comme plusieurs postes clefs du Palais-Bourbon, les coulisses sont moins reluisantes et restent imprégnées de sexisme.
"Moi, on m'a prise je ne sais combien de fois pour une assistante, même comme députée et même comme première vice-présidente de l'Assemblée. Donc, bon, visiblement, il y a encore du chemin à faire", regrette ainsi la députée La France insoumise Clémence Guetté au micro de "L'interview politique" de BFMTV.com.
L'hémicycle a certes beaucoup évolué ces dernières années mais il est encore très loin d'être à l'image de la société française. L'Assemblée nationale se compose actuellement de 208 femmes sur 577 sièges, soit seulement 36% des députés.
Au-delà de la question de la parité, l'origine sociale des élus n'a rien à voir avec celle de l'Hexagone. L'Assemblée nationale est composée à 60% de personnes qui sont cadres ou issues des professions intellectuelles supérieures comme les médecins, les avocats ou les ingénieurs. Cette catégorie ne représente pourtant que 21% de la population française, d'après des chiffres de l'Insee.
Un milieu "assez violent socialement"
Quant aux ouvriers qui comptent pour 19% de la population active? Ils représentent moins de 1% des députés dans l'hémicycle et ne sont que 6. Les seuls groupes à en compter parmi leurs rangs: le Rassemblement national et La France insoumise.
De quoi provoquer un choc des cultures pour des députés nouvellement élus qui découvrent un monde à mille lieues de leur réalité professionnelle jusqu'ici et qui doivent apprendre à s'exprimer en public, maîtriser les subtilités du droit, les usages très codifiés de la vie parlementaires...
Ce fut par exemple le cas pour la députée insoumise Caroline Fiat, élue en 2017 puis en 2022 avant de perdre les élections en 2024. Lors de son arrivée dans l'hémicycle, elle était aide-soignante après avoir travaillé comme ambulancière et téléprospectrice.
"Je ne veux pas parler à sa place mais, je sais qu'elle l'a dit, elle a vécu ça comme quelque chose d'assez violent socialement", regrette Clémence Guetté.
À plusieurs reprises, Caroline Fiat a ainsi expliqué avoir été prise "pour une femme de ménage" dans les couloirs de l'hémicycle.
Mais "la violence sociale" peut aussi devenir une force, exemple à l'appui avec Rachel Kéké. Cette ancienne femme de chambre repérée par LFI après avoir fait plier le géant de l'hôtellerie Accor, est devenue députée en 2022 avant de perdre en 2024 face à Vincent Jeanbrun.
L'une de ses toutes premières prises de parole dans l'hémicycle avait été fondée sur son expérience. "J'aimerais savoir dans cet hémicycle qui a déjà touché 800 euros? Qui a déjà touché 900 euros? 1000 euros? Personne!", avait-elle lancé en plein débat sur la hausse du SMIC refusée par les députés macronistes.
Sa posture avait profondément agacé la majorité présidentielle de l'époque tout en crevant l'écran, accumulant des centaines de milliers de vues sur les réseaux sociaux. Rebelote pendant la réforme des retraites où elle avait accusé les députés macronistes de ne "rien comprendre à la dure vie des gens", jugeant qu'elle n"avait pas le droit de mettre à genoux les gens qui tiennent la France debout".
"Les codes implicites bourgeois"
Dans les rangs de la macronie, on n'appréciait guère ces séquences. Les prises de parole de Rachel Kéké faisaient d'autant plus désordre qu'Emmanuel Macron est régulièrement taxé de mépris et de déconnexion par ses adversaires politiques.
"On en a marre de ses leçons de morale", avait expliqué à l'époque un poids lourd de la majorité présidentielle auprès de BFMTV, manifestement gêné des prises de parole de la députée
On cassait "les codes implicites bourgeois à l'Assemblée", observe de son côté Clémence Guetté.
"Et ce qui est intéressant, c'est que c'est implicite. C'est-à-dire qu'on ne vous dit pas que vous ne pourriez par exemple pas porter cette chemise parce qu'elle est trop colorée ou vous exprimez de telle façon. Mais en fait, tout le monde le sait".
Attaques vestimentaires
En 2022, Éric Ciotti, alors député LR, avait dénoncé le "relâchement vestimentaire" dans l'hémicycle, en visant la gauche, et éclamer le retour de la cravate à l'Assemblée. Depuis 2017, elle n'est plus obligatoire à l'Assemblée nationale. Avant, un huissier pouvait empêcher les députés d'accéder à la séance en l'absence du précieux accessoire.
Les députés LFI sont, eux, rares à la porter dans l'hémicycle, tout comme les écologistes et les communistes. Sur les bancs des Républicains, des socialistes et de la majorité présidentielle, elle est cependant quasi-systématique.
Quant à Renaud Muselier, le président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, il avait assuré sur BFMTV dans la foulée de la sortie d'Éric Ciotti, que la gauche était "sale" et "débraillée".
"On a totalement assumé de vouloir casser ces codes-là", persiste et signe Clémence Guetté.
L'"Interview politique": la nouvelle émission de BFMTV.com à retrouver sur Youtube dès ce jeudi 31 juillet.