La France est moins corrompue qu'on ne le dit... mais plus qu'on ne le croit

Hervé Gattegno - -
Le classement de Transparency International a la même valeur que les appréciations des agences de notation : c’est une indication significative mais ce n’est pas parole d’évangile. Son indice est établi grâce à des données fournies par des institutions internationales, mais il ne mesure qu’une perception – la corruption est par définition cachée. On est plus près du diagnostic psychologique que du bilan statistique. De fait, ce n’est pas une surprise de voir que les pays nordiques sont les mieux classés ; on comprend moins ce qui fait que la France se retrouve à égalité avec les Bahamas… et loin derrière Hong Kong et la Barbade !
Le rapport qui accompagne ce classement pointe tout de même de nombreuses insuffisances françaises en matière de lutte contre la corruption. C’est exagéré ?
Pas entièrement, hélas. Nous n’avons toujours pas de législation digne de ce nom contre les conflits d’intérêts. Nous avons aussi une multitude d’échelons politiques et administratifs qui dissémine les pouvoirs dans tellement de recoins qu’on ne sait pas qui décide quoi ni comment – c’est propice aux arrangements douteux. Et puis la France n’a pas la culture du contre-pouvoir. Donc s’agissant des moyens de réprimer les délits financiers, nous sortons tout juste de l’âge de pierre : beaucoup de lois, mais pas assez de juges, de policiers et de contrôleurs (ni d’ordinateurs) pour les faire respecter.
Le document de Transparency International souligne que c’est le monde politique qui focalise le plus de soupçons en matière de corruption. Est-ce juste ?
C’est une manifestation du discrédit des politiques. On peut le juger mérité : nos élus ne font pas grand-chose pour améliorer leur réputation – la France est la seule avec la Slovénie ( !) où les déclarations de patrimoine des parlementaires ne sont pas publiques. Les députés ont même bataillé pour qu’il n’y ait pas de sanction contre ceux qui truquent leurs déclarations ! Cela dit, la France bat aussi des records de fraude fiscale et sociales. Donc si notre classe politique n’est pas vertueuse, c’est peut-être qu’elle est plus représentative qu’on ne le dit.
Peut-on imaginer des améliorations rapides pour faire reculer la corruption ?
En temps de crise, on n’augmentera pas les moyens de la lutte anti-corruption – alors même que la crise favorise la montée de la corruption (d’ailleurs la Grèce et l’Italie sont de moins en moins bien notées par Transparency International). On ne peut s’en remettre qu’à l’organisation et à la prévention. Il faut centraliser au maximum la lutte, améliorer la formation des agents. Rendre plus transparentes les procédures d’attribution de marchés. Et espérer que la vertu citoyenne progresse plus vite que l’égoïsme et l’immoralité. Pas gagné !
A propos de transparence, que faut-il penser des informations de Mediapart, qui accuse le ministre Jérôme Cahuzac d’avoir eu un compte en Suisse jusqu’en 2010 ?
Si c’est vrai, c’est un symbole très fâcheux – s’agissant d’un ministre censé incarner la rigueur budgétaire – et qui jusqu’ici a montré du brio. Si c’est faux, c’est grave pour un média qui a fait de la morale son cheval de bataille. Dans tous les cas, cette affaire va faire une victime. On ne sait pas encore laquelle mais l’idéal serait qu’on le sache vite.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 6 décembre.