La Cour des comptes doit rester à sa place !

Hervé Gattegno - -
Nous sommes typiquement dans l'excès de pouvoir à la française : la Cour des comptes est une institution utile et respectable. Son rôle, de par la Constitution, est de vérifier l'usage des fonds publics et d'évaluer leur efficacité. Elle livre des diagnostics techniques, mais elle n'a pas à exprimer des choix politiques. Or, c'est bien ce qu'elle fait quand elle présente la baisse des dépenses comme la "priorité absolue". Qu'on partage ou non cette vision, il est clair qu'elle relève d'une orientation politique, voire idéologique. La Cour des comptes est là pour tenir les comptes ; il faut qu'elle s'en tienne aux comptes.
Il ne faut donc pas surestimer l'importance de ce que dit la Cour des comptes, même quand elle dit que la prévision de croissance du gouvernement est irréaliste ?
Tout le monde sait que la prévision de 0,8 % est idéaliste - pas besoin de la Cour des comptes pour cela ! Ce qui est discutable, c'est qu'elle donne un satisfecit sur l'effort de limitation des déficits (qu'elle fait remonter à la fin de l'ère Sarkozy), mais qu'elle juge les hausses d'impôt trop élevées par rapport aux baisses des dépenses. Après tout, il peut y avoir d'autres options : augmenter encore les impôts (une partie de la gauche le veut) ou suspendre les mesures d'austérité (nombre d'économistes l'évoquent). Il faut faire attention à ne pas laisser les avis d'experts maquiller des choix politiques. C'est donner à la fois aux experts un pouvoir illégitime et aux politiques la facilité de s'abriter derrière eux... On brandit souvent la menace du "gouvernement des juges" - on a raison. Mais on se méfie moins du gouvernement des comptables - on a tort.
Vous soupçonnez François Hollande de vouloir profiter du rapport de la Cour des comptes pour procéder à des coupes budgétaires supplémentaires ?
On peut au moins relever que c'est la première fois que la Cour des comptes ne s'indigne pas du dépassement des 3 % de déficit ! Par ailleurs, elle prône la réduction des dépenses de toutes les collectivités (y compris sociales) - ce qui est clairement en phase avec la politique actuelle. Et puis elle déplore qu'EDF ait augmenté le salaire de ses agents au-delà de la moyenne de la fonction publique. Et il y a un mois, elle trouvait que l'indemnisation du chômage était trop généreuse. Tout cela peut se défendre, mais qu'on ne dise pas que ce n'est pas l'expression d'une ligne politique ! Ça ne veut pas forcément dire qu'il y a là un coup de vice (politique), mais ça pourrait en effet préfigurer... un tour de vis (budgétaire).
Que faut-il retenir, malgré tout, dans la livraison 2013 de la Cour des comptes ?
En s'en tenant à son rôle d'évaluation, la Cour pointe cruellement les défaillances de la formation professionnelle, de certains pans de l'éducation nationale ou de la politique du logement, le dysfonctionnement persistant du système des intermittents du spectacle, l'inefficacité des aides à la presse. Comme ce sont des cas qui ont déjà été maintes fois signalés, on peut aussi se demander si ce rapport n'est pas lui-même une forme de gaspillage, puisqu'il est - pour une bonne partie - réalisé chaque année en pure perte. Mais ça ne figurera certainement pas dans la prochaine édition !
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercred 13 février.