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La campagne présidentielle est-elle plus violente qu'en 2012?

Un bus transportant des militants Front national peinturluré de blanc alors qu'il se dirigeait vers Nantes pour un meeting de Marine Le Pen.

Un bus transportant des militants Front national peinturluré de blanc alors qu'il se dirigeait vers Nantes pour un meeting de Marine Le Pen. - Martin Bertrand - AFP

François Fillon a accusé dimanche dernier le gouvernement de "ne pas assurer les conditions d'un exercice serein de la démocratie". Il faisait, entre autres, référence à la perturbation d'un meeting de Marine Le Pen par des opposants au FN. L'idée d'une campagne plus violente que les précédentes est à la fois affaire de perception et d'hostilité grandissante devant la parole publique.

Après la perturbation d'un meeting de Marine Le Pen par des manifestations véhémentes et les jets de peinture contre des bus de militants frontistes, également menacés par des barres de fer, François Fillon a publié un communiqué, dans lequel il reproche des manquements à l'exécutif:

"J'accuse solennellement le Premier ministre et le gouvernement de ne pas assurer les conditions d'un exercice serein de la démocratie. lls portent une très lourde responsabilité en laissant se développer dans le pays un climat de quasi-guerre civile qui ne peut que profiter aux extrêmes."

2012 aussi avait eu ses accès de fièvre

La campagne de 2017 est-elle vraiment plus violente que les autres, à commencer par celle de 2012? Les événements nantais autour de la candidate du Front national trouvent un écho dans le précédent scrutin présidentiel. Le 8 janvier 2012, la galette des rois du parti frontiste, organisée à Saint-Denis, au nord de Paris, avait suscité des manifestations d'hostilité de la part de ses détracteurs. Le 1er janvier de la même année, le candidat du Parti socialiste, François Hollande, avait été enfariné, lors d'un colloque à la Fondation Abbé-Pierre.

Trois semaines après, son futur ministre, Arnaud Montebourg, a dit avoir été pris à partie, aux côtés de sa compagne de l'époque, la journaliste Audrey Pulvar, par des militants du Front national, sans que cette allégation ne soit toutefois vérifiée. Enfin, Nicolas Sarkozy, en déplacement dans les rues de Bayonne, avait été chahuté par ses opposants. 

Manuel Valls plusieurs fois ciblé

Dans son réquisitoire contre Bernard Cazeneuve et son équipe, François Fillon a relevé les incidents s'étant quant à eux produits cette année. Outre le week-end nantais, le député LR de Paris s'est plaint de voir ses déplacements perturbés par des "manifestants d'extrême gauche". Il a également déploré qu'un meeting d'Emmanuel Macron, à Toulon, ait été récemment déstabilisé. 

A cette liste, on peut ajouter l'"enfarinage" de Manuel Valls, alors candidat dans la primaire à gauche, par un opposant à l'emploi de l'article 49.3 dans des moments décisifs du quinquennat par l'ex-Premier ministre, au marché de Noël de Strasbourg. Peu après, en Bretagne, Manuel Valls avait aussi été giflé par un jeune homme. 

Une question de perception

Thomas Guénolé, auteur du Petit guide du mensonge en politique, livre son explication à ces incidents visant l'ancien candidat à la candidature: "Dans ces événements concernant Manuel Valls, l'opposition au 49.3 est à replacer dans le même ensemble que celle devant la loi Travail. Ce n'est pas ce mécanisme constitutionnel, employé avant lui, qui était visé. Cette hostilité provenait de l'impopularité de sa politique à gauche."

Pour le politologue, le week-end nantais mouvementé du Front national n'a en revanche rien de nouveau dans l'histoire du parti: "Il y a toujours eu de la violence envers l'extrême droite et en provenance de l'extrême droite. Ce qui est nouveau, c'est la réprobation ferme de Marine le Pen à l'égard de la violence sortie de ses rangs."

Ainsi, la campagne ne serait pas saisie d'une fièvre particulière mais paraîtrait plus impitoyable, à cause de son traitement médiatique: "La campagne n'est pas plus violente mais les chaînes d'information en continu ont changé la donne. Les images sont répétées en boucle, l'impact rétinien n'est donc pas le même. Certes, ces chaînes étaient déjà là en 2012 mais cette pratique est très récente tout de même."

Tradition et détérioration

Yves-Marie Cann, directeur des études politiques de l'institut Elabe, examine d'autres spécificités dans les tensions qui émaillent cette campagne présidentielle, en comparaison avec le précédent scrutin. "La différence, c'est que, pour ainsi dire, ça n'épargne aucun des grands candidats. C'est révélateur des tensions qui structurent la société française."

Les surgissements de brutalité dans cette équipée électorale sont un mélange de tradition mais aussi d'avancement d'un processus né en amont, explique le politologue et sondeur:

"On entre dans la campagne, le débat s'exacerbe. C'est un grand classique. Et qu'il y ait des violences contre les candidats ou les journalistes à cette période, c'est du déjà vu. Thierry Arnaud et Ruth Elkrief (journalistes de BFMTV) ont reçu des bouteilles d'eau dans la tête lors d'un meeting de Nicolas Sarkozy en 2012. En 2002, Jacques Chirac était régulièrement accueilli aux cris de 'Super menteur!'. En revanche, s'il y a aujourd'hui des actes plus extrêmes que par le passé, c'est parce qu'une démonétisation d'une partie du personnel politique, de sa parole, est à l'œuvre."

Les primaires, à présent entrées dans les mœurs à gauche comme à droite, ne sont pas innocentes dans l'échauffement des esprits non plus. Non seulement, Manuel Valls a rencontré la vindicte d'une part de ses détracteurs à cette occasion, mais en plus, en avançant le seuil de la campagne, ces rendez-vous préliminaires peuvent semer les germes d'altercations à venir: "L'existence des primaires dès l'automne étire la durée de la campagne électorale. Cela met le pays sous tension pendant six, sept ou huit mois alors qu'avant la campagne pouvait démarrer en février. Et ça peut conduire à des exacerbations des tensions politiques chez les militants. C'est une hypothèse qu'on peut poser", avance Yves-Marie Cann. 

Robin Verner