L'UMP s'efforce de détourner la pression d'Eric Woerth

Les dirigeants du parti présidentiel se sont efforcés lundi d'alléger la pression subie par le ministre du Travail Eric Woerth (photo), mis en cause par l'opposition pour des conflits d'intérêt, notamment dans l'affaire Liliane Bettencourt. Xavier Bertran - -
par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - L'UMP s'est efforcée lundi de détourner la pression qui s'accumule sur le ministre du Travail, Eric Woerth, sommé par l'opposition de s'expliquer sur ses liens avec la milliardaire Liliane Bettencourt.
Le secrétaire général de l'UMP a dénoncé "solennellement", au début du point de presse hebdomadaire du parti présidentiel, une campagne de "harcèlement", une "chasse à l'homme", un "déni de démocratie" et "un procédé ignoble".
Tout ça, a ajouté Xavier Bertrand, est "orchestré de A à Z par le Parti socialiste" pour empêcher le ministre du Travail et trésorier de l'UMP de défendre la réforme des retraites.
"On assiste à un spectacle et des méthodes que je qualifierais de dégueulasses", a renchéri le porte-parole du parti, Frédéric Lefebvre, qui a accusé la presse de "relayer les attaques du PS" et de se rendre coupable d'"amalgames" visant à salir Eric Woerth.
Il s'est aussi livré à ce qui ressemble fort à une tentative de diversion, en annonçant le lancement par l'UMP d'une pétition sur internet demandant l'introduction de l'arbitrage vidéo dans les matches internationaux de football.
L'UMP a par ailleurs annoncé, sans explication, le report d'une réunion de ses plus gros donateurs avec des dirigeants du parti, initialement programmée pour lundi soir.
Selon la direction du parti, la participation d'Eric Woerth n'était de toute façon pas prévue.
FLORENCE WOERTH ADMET UN CONFLIT D'INTÉRÊTS
Tout est parti de révélations par la presse du contenu d'enregistrements de conversations de Liliane Bettencourt, effectués à son insu par un membre de son personnel et dans lesquels étaient cités Eric Woerth et son épouse Florence.
Le premier était à l'époque ministre du Budget et la seconde employée par une société gérant la fortune de l'héritière de L'Oréal, engagée dans un bras de fer judiciaire avec sa fille, Françoise Meyers-Bettencourt.
Eric Woerth est soupçonné par ses détracteurs d'avoir fermé les yeux sur les libertés prises par Liliane Bettencourt avec le fisc quand il était à Bercy. Sa femme, gestionnaire de patrimoine, a pour sa part été embauchée en novembre 2007 par l'homme de confiance de la milliardaire, Patrice de Maistre.
Le soupçon de conflit d'intérêts a été alimenté par la révélation qu'Eric Woerth avait remis le 23 janvier 2008 la légion d'honneur à Patrice de Maistre.
"Je reconnais que j'avais sous-estimé ce conflit d'intérêts", admet Florence Woerth, interrogé par Le Monde daté du 29 juin. Elle a finalement démissionné le 25 juin.
Du Canada où il participait aux sommets du G8 et du G20, le président Nicolas Sarkozy a réaffirmé à deux reprises ce week-end "toute (sa) confiance" en son ministre du Travail.
Comme d'autres membres du gouvernement, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, est venue au secours de son collègue. "Tout ce qui est monté contre lui me paraît lamentable", a-t-elle dit en marge d'une conférence de presse.
LE PS MAINTIENT LA PRESSION
Eric Woerth a pour sa part nié dimanche avoir accordé la moindre faveur fiscale à Liliane Bettencourt, tout en reconnaissant qu'elle avait fait des dons à l'UMP.
Il a aussi démenti avoir conclu un arrangement avec Robert Peugeot, héritier du constructeur automobile du même nom à qui il a remis la légion d'honneur début juin, pour lui éviter un contrôle fiscal après un vol de lingots d'or à son domicile.
Eric Woerth, chargé du chantier phare de la fin du quinquennat, les retraites, et qui faisait jusqu'ici figure de Premier ministrable, paraît néanmoins fragilisé.
Tout en se défendant de vouloir mettre de l'huile sur le feu, comme l'a déclaré David Assouline, secrétaire national à la communication du PS, les dirigeants socialistes ont maintenu la pression, à la veille d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale qui promet d'être houleuse.
Le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, et l'ancien premier secrétaire du PS François Hollande ont sommé le ministre du Travail de s'expliquer. "Nous exigeons la vérité", a déclaré le premier sur Europe 1.
Le député Pierre Moscovici a dit sur LCI qu'il ne demandait pas la démission d'Eric Woerth, "dont l'intégrité personnelle n'est pas en cause". Mais comme ministre, "il a le devoir de répondre aux questions des Français et de le faire vite".
Jean-Christophe Cambadélis, également député, a en revanche estimé sur France Info que l'ensemble du gouvernement devait changer - "M. Woerth n'est que l'expression paroxysmique de ce qu'est ce gouvernement", a-t-il déclaré.
Avec service France, édité par Sophie Louet