L'Elysée entend étaler le "choc de compétitivité"

Le gouvernement français prendra bien d'ici fin 2012 des décisions pour relancer la compétitivité des entreprises françaises mais recule devant l'idée d'un "choc" massif. L'entourage du chef de l'Etat a confirmé mercredi une partie des informations publié - -
par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le gouvernement français prendra bien d'ici fin 2012 des décisions pour relancer la compétitivité des entreprises françaises mais recule devant l'idée d'un "choc" massif, dont il estime ne pas avoir les moyens en raison de la crise.
Les entreprises réclament une réduction massive des charges sociales patronales pour regagner des marges de manoeuvre dans la compétition mondiale en réduisant le coût du travail, une des composantes, mais pas la seule, de la compétitivité.
Or cette question du coût du travail, qui cristallise une grande partie du débat, paraît à la fois incontournable et potentiellement embarrassante pour le président François Hollande et sa majorité de gauche.
L'entourage du chef de l'Etat a confirmé mercredi une partie des informations publiées par Le Monde selon lesquelles l'Elysée envisage le transfert sur l'impôt d'environ 40 milliards d'euros de cotisations familiales payées par les employeurs, mais étalé sur le quinquennat plutôt qu'en une seule fois.
"Plutôt que d'avoir un choc de compétitivité, on veut une stratégie de compétitivité, un agenda sur la durée des trois ans qui viennent", explique-t-on à l'Elysée. "On ne fera pas un allègement d'un coup."
Cet étalement permettrait de ne pas trop charger la barque de ménages mis à forte contribution en 2013 par la politique de réduction des déficits publics conduite par le gouvernement.
"On ne peut pas faire de transfert de charges massif dès cette année" compte tenu des efforts déjà demandés aux ménages et aux entreprises, a confirmé la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin, à la sortie du conseil des ministres.
La présidence convient aussi qu'il y aura un ensemble de mesures dès 2013. Selon les services du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les premières seront décidées fin octobre lors d'un séminaire gouvernemental consacré au sujet, dans la foulée de la remise d'un rapport sur la compétitivité commandé à l'ex-patron de la SNCF et d'EADS, Louis Gallois.
UN AVATAR DE LA "TVA SOCIALE" ?
L'Elysée ne confirme en revanche pas le montant de 40 milliards d'euros - ou huit à 10 milliards par an - évoqué par Le Monde, même si l'ordre de grandeur "n'est pas absurde".
Ce chiffre de 40 milliards n'est autre que le milieu de la fourchette avancée en juillet par Louis Gallois.
"Il s'agit de transférer 30 à 50 milliards pour avoir un effet significatif" et créer une "onde de choc" en faveur des entreprises, expliquait-il lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, en plaidant pour la fin des "demi-mesures".
L'Elysée ne confirme pas non plus l'information du Monde selon laquelle la piste la plus sérieusement étudiée par l'exécutif serait celle d'un basculement de ces charges vers la contribution sociale généralisée (CSG).
"Aucune option n'est rejetée à part la TVA sociale à ce stade", a pour sa part déclaré Fleur Pellerin.
Le transfert de 5,4 points de cotisations familiales est exactement ce à quoi était destinée l'augmentation de 1,6 point du taux normal de TVA votée à la fin du précédent quinquennat, qui devait entrer en vigueur ce 1er octobre mais qui a été abrogée par la nouvelle majorité.
Le périmètre du transfert n'est pas tout à fait le même. Selon le Monde, l'allègement envisagé par l'Elysée ciblerait les salaires entre 1,6 et 2,2 smic, pour en faire bénéficier les entreprises exposées à la concurrence internationale.
Le mécanisme voté sous la présidence de Nicolas Sarkozy prévoyait de supprimer totalement ces cotisations jusqu'à 2,1 smic, puis partiellement jusqu'à 2,4 smic.
Le retour sous une autre forme de cette "TVA sociale" divise à gauche et suscite des ricanements à droite.
"TOTALEMENT INOPPORTUN"
Il est ainsi jugé "aberrant" par des élus socialistes, pourtant proches du nouvel exécutif.
"C'est totalement inopportun dans la conjoncture actuelle", a ainsi dit à Reuters le député et économiste Pierre-Alain Muet. "Je ne comprends pas ce débat."
"La conjoncture ne permet pas de faire un transfert des cotisations patronales sur les ménages, quel que soit la forme de ce transfert, que ce soit sous forme de TVA ou de CSG", a-t-il ajouté. "Je sais qu'au sein du cabinet de l'Elysée des économistes compétents sont sur la même position que moi."
Pour Pierre Alain-Muet "ce soi-disant choc de compétitivité" mettrait également "complètement à mal" la cohérence du budget 2013 - "Je n'ai pas cessé de le dire au gouvernement. Un certain nombre de ministres l'ont bien compris", souligne-t-il.
Un avis partagé par sa collègue Karine Berger, une autre économiste dont les réflexions ont nourri François Hollande pendant sa campagne présidentielle.
"On est face à une vraie difficulté de demande", a déclaré à Reuters la secrétaire nationale à l'économie au PS. "Le projet de budget préserve au maximum la consommation des ménages modestes et moyens. Tout choix pour relancer la compétitivité du pays ne doit pas contrecarrer cet objectif prioritaire."
A droite, l'ancienne ministre UMP Valérie Pécresse a critiqué l'intention prêtée au gouvernement d'utiliser la CSG.
"La CSG, c'est une feuille de paye qui baisse à la fin du mois, c'est une retraite qui baisse à la fin du mois", a-t-elle dit sur France 3. "Ce sera très injuste."
Six ministres, dont ceux de l'Economie, du Budget, du Travail et du Redressement productif - Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac, Michel Sapin et Arnaud Montebourg - étaient convoqués en fin de journée à Matignon pour une réunion sur la compétitivité, sujet qui semble aussi diviser le gouvernement.
Syndicats et patronat entament pour leur part jeudi des négociations sur le volet marché du travail, qui touche à la "compétitivité hors prix". Le chef de l'Etat leur a donné jusqu'à fin décembre pour parvenir à un "compromis historique".
Avec Jean-Baptiste Vey, Julien Ponthus et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse