BFMTV
Politique

Jego : « On ne contourne pas, on négocie »

-

- - -

Yves Jego, porte-parole de l’UMP décrypte les propositions de Nicolas Sarkozy sur le pouvoir d’achat. Le député de Seine-et-Marne met en exergue la valeur travail.

J-J B : Je voudrais vous présentez Benoît qui possède une petite entreprise de transports à Cannes. Il a cinq salariés, cinq chauffeurs. Il nous donnera plus tard sa vision de l’intervention de Nicolas Sarkozy hier.
Yves Jego, l’intervention de Nicolas Sarkozy est axée sur le travail. Si j’ai bien compris, il dit aux français « vous devez travailler. Si vous travaillez ça va produire de la richesse, ça va engendrer de la croissance, et vous en récolterez donc les fruits ». C’est la morale de l’histoire ?
Y J : Je ne sais pas si c’est la morale, mais c’est surtout la mécanique de l’économie. Pour distribuer de la richesse, il faut la produire. Voilà trente ans que notre pays dépense, chaque année, 20% de plus qu’il n’engrange dans les comptes publics. Il faut inverser le système, il faut produire plus de richesses. Tous les indicateurs montrent qu’on est parmi les derniers pays d’Europe sur la croissance, sur la production de richesses. Pour produire de la richesse, il faut que le pays travaille, y compris et surtout dans les entreprises. Il faut qu’on libère cette capacité de travail et il faut dire aux Français : le fruit de ce travail, ce que ça rapportera, ça reviendra dans votre poche sous forme de pouvoir d’achat. C’est un combat de longue haleine, ça ne se résoudra pas en un discours. C’est un combat que nous avons engagé il y a six mois et que nous poursuivrons pendant tout le quinquennat.

J-J B : Je voudrais entrer très vite dans le concret et d’abord parler des RTT. Les RTT seront payées si les salariés le demandent ?
Y J : Oui, on veut ouvrir cette possibilité. Si un salarié dit qu’il souhaiterait qu’on lui paie ses RTT, on veut ouvrir la possibilité, dans le privé comme dans le public, que les RTT soient payées parce qu’il y a un grand nombre de nos compatriotes qui n’ont qu’une envie : ce n’est pas d’avoir plus de loisirs mais plus d’argent à la fin du mois.

J-J B : Mais est-ce qu’on a les moyens dans le public ?
Y J : Il faudra trouver. Il faudra gager ça sur la diminution globale du nombre de fonctionnaires après les départs en retraite. On a dit : on veut moins de fonctionnaires mais des fonctionnaires mieux payés. Sur cinq ou six ans, il faut diminuer le nombre de fonctionnaires en ne remplaçant pas la moitié des départs en retraite. On va avoir les moyens progressivement, dans la fonction publique on va d’abord pouvoir payer deux jours de RTT, puis trois et on va monter en puissance. Ce combat du pouvoir d’achat, c’est le fil rouge du quinquennat de Nicolas Sarkozy, c’est le leitmotiv de la politique que nous menons. Au-delà donc des mesures annoncées hier qui sont fortes, importantes dans de nombreux domaines, nous ne lâcherons pas cette thématique, cette obsession. Parce qu’il a été le premier à dire, pendant la campagne électorale, qu’il y avait un problème de pouvoir d’achat. Tous les autres nous disaient depuis trente ans que tout allait bien, que l’on n’avait pas de problème de pouvoir d’achat. Nicolas Sarkozy, lui l’a reconnu.

J-J B : Il l’a reconnu six mois après son élection…Il aurait pu le reconnaître plus tôt, tout de suite, et prendre les choses en main ?
Y J : Quand, au mois de juillet nous avons voté un dispositif des heures supplémentaires payées, c’était déjà une première étape.

J-J B : Benoît, vous qui êtes patron d’une entreprise de transports, vous employez cinq chauffeurs, est ce que vos chauffeurs font des heures supplémentaires ?

Benoît : Oui, tout à fait, dans la limite légale, mais ils voudraient en faire davantage. Moi, justement ce que j’aurais voulu éventuellement entendre hier soir, c’est une éventuelle harmonisation des heures supplémentaires au niveau européen.

J-J B : Yves Jego, qu’en pensez-vous ?
Y J : Benoît a raison, parce qu’il est en concurrence avec des entreprises européennes. Si Nicolas Sarkozy a mis autant d’énergie en six mois à réorganiser l’Europe, c’est l’affaire du mini traité que nous allons voter prochainement, c’est pour que quand nous allons prendre la présidence de l’Union européenne, c'est-à-dire au mois de juin, nous puissions proposer sur ces sujets-là une harmonisation pour que l’Europe ne se fasse pas concurrence. Qu’elle ne soit concurrente que de l’extérieur.

J-J B : Donc si j’ai bien compris, les heures supplémentaires sont limitées mais Nicolas Sarkozy n’a pas vraiment apporté la précision. On va augmenter le nombre d’heures supplémentaires susceptibles d’être exonérées de charges ?
Y J : L’idée c’est que les heures supplémentaires qui vont au-delà de la durée légale du travail, puissent être négociées dans les entreprises pour faire en sorte que les salariés qui veulent travailler plus, le puissent. En fonction toujours du besoin de production de l’entreprise. Les heures supplémentaires du dimanche, dans des entreprises qui en ont besoin, seront payées le double.

J-J B : Très bien mais encore faut-il que les entreprises aient des heures supplémentaires à proposer ?
Y J : C’est une réalité.

J-J B : Donc je veux travailler 40 heures, donc on contourne la loi des 35 heures…
Y J : Non, on ne contourne pas la loi, on négocie.

J-J B : Dans chaque entreprise on négocie. Si l’entreprise a des heures à proposer à ses salariés, elle les propose, le salarié travaille 40 heures ou 42 heures, et les heures supplémentaires, au-delà des accords sont payées plus chères.
Y J : Tout à fait, et si l’entreprise ne se met pas d’accord c’est les 35 heures qui restent la norme pour tout le monde. On considère d’ailleurs une chose qui nous différencie du Parti Socialiste, c’est que ce n’est pas à l’Etat à déterminer de façon impérative ce qui se passe dans les entreprises.

J-J B : Pourquoi ne pas avoir mis à plat carrément les 35 heures ? J’entends beaucoup de chefs d’entreprise me le demander.

Y J : Parce que dans beaucoup d’entreprises, notamment dans les grandes entreprises, elles ont touché les bénéfices des 35 heures, c'est-à-dire les défiscalisations et n’ont pas envie de se désorganiser à nouveau. Nous sommes pour la liberté, que ceux qui veulent rester aux 35 heures le fassent. Ça nous semble légitime parce que ça correspond à la philosophie d’une entreprise. Mais que l’entreprise qui veut et qui a besoin de travailler plus, si les salariés en touchent les conséquences dans leur portefeuille, alors qu’on puisse libérer un peu la capacité de travail. Il y a 1% de croissance de moins en France qu’ailleurs. Comment faire pour augmenter la croissance, ce n’est pas en embauchant des fonctionnaires, c’est en faisant en sorte qu’on libère la capacité de travailler. Il n’y a pas d’autres méthodes, tous les autres pays d’Europe l’ont fait.

J-J B : Le travail le dimanche, si j’ai bien compris Nicolas Sarkozy hier soir, là aussi on libère les choses, on donne un peu plus de souplesse ; celui qui veut travailler le dimanche si l’entreprise le lui demande sera payer double. Il pourra travailler par exemple tous les dimanches ?
Y J : Il faut ensuite que les négociations entre le patronat et les syndicats déterminent la réalité des choses. Il y a beaucoup de gens qui travaillent le dimanche, il y a déjà divers commerces qui sont déjà ouverts le dimanche par exemple. Aujourd’hui, pour les fêtes de Noël par exemple dans ma commune, les grandes surfaces seront ouvertes. Ce ne sera pas forcément tous les dimanches mais le nombre de dimanches raisonnables qui seront issus de la négociation entre les patrons et les salariés. Ce n’est pas non plus au président de la République de dire le nombre de dimanches. Il fixe les orientations et je crois qu’ensuite la négociation doit trouver les justes équilibres, les endroits justes où effectivement ça ne va pas désarçonner la concurrence locale. Il y a dans le travail du dimanche une demande des français. Toutes les grandes surfaces disent qu’ils ont des salariés qui seraient prêts à travailler le dimanche et qu’il faut qu’on ait un système souple qui permette à chacun de pouvoir trouver le moyen de travailler quand il le peut et quand il le veut et donc de gagner de l’argent.

J-J B : Donc une négociation pour déterminer le nombre de dimanches travaillés ?
Y J : Oui, c’est très important d’ailleurs, le président de la République a dit une chose « je vais négocier au mois de décembre un agenda social 2008 ». C’est de dire pour une fois ce ne sera pas le Gouvernement au fil des mois qui va dire qu’il fera telle ou telle réforme, on va se mettre d’accord entre les organisations syndicales, le Gouvernement, et les organisations salariales pour dire quelles sont les réformes qu’on va négocier en 2008. Parmi celles-ci il y a évidemment les questions de travail du dimanche.

J-J B : Pourquoi aucune question n’a été posée au Président de la République sur le prix de l’essence, sur le prix du gaz et sur d’autres sujets comme les loyers ?
Y J : La question ne lui a pas été posée, c’est une question importante qui fait partie du pouvoir d’achat, sur lequel ce n’est pas le Gouvernement qui met en œuvre les augmentations du pétrole. Derrière le prix du pétrole c’est deux choses : c’est le pétrole qu’on achète qui double de prix en quelques années, sans justifications si ce n’est la spéculation des pays pétroliers et ce sont des taxes. La question c’est : est ce qu’on peut se passer des taxes ? Et on ne peut pas s’en passer compte tenu du budget de l’Etat et compte tenu du fait que depuis trente ans on dépense 20% de plus que ce qu’on encaisse dans les caisses de l’Etat. Il y a donc effectivement sur ce sujet, un sujet d’inquiétude.

J-J B : On aurait pu mettre un chèque transport en place par exemple ?
Y J : Nous l’avons mis en place le chèque transport à l’époque du Gouvernement de Dominique de Villepin, ça a été un échec, ça n’a jamais marché. Il y a des suggestions à faire : en Ile de France par exemple, c’est quand même une grande région où les gens sont souvent obligés de prendre leur voiture pour aller travailler. Il pourrait arbitrer entre la voiture et les transports en commun si par exemple la carte orange était à 50 euros pour tous les Franciliens, quelle que soit la distance. On va renforcer l’utilisation des transports en commun et on va lutter contre la hausse du prix de l’essence. Voila une mesure simple, tout le monde semble d’accord.

J-J B : Vous avez envie d’être président du Conseil Régional ?

Y J : Oui et je ne m’en cache pas mais ce ne serait pas pour ma gloire mais pour trouver des solutions aux problèmes des habitants de cette région. Voila dans le débat que nous avons sur le prix de l’essence une proposition très concrète et c’est jouable.

J-J B : Gaz de France a demandé une augmentation des prix, que répond Nicolas Sarkozy et que répondez-vous ?
Y J : Je pense qu’il faut regarder très précisément l’équilibre financier de ces entreprises dans lequel l’Etat a gardé une part puisqu’il reste actionnaire et qu’il récupère de l’argent pour lutter contre le déficit de l’Etat.

J-J B : Si on augmente le prix du gaz, l’Etat va prendre une part de cette augmentation ?

Y J : Il faut surtout qu’avant d’augmenter le prix du gaz et d’autoriser Gaz de France à augmenter le prix du gaz, on soit attentif à vérifier que cette augmentation soit bien la réalité du marché du gaz qu’on achète sur le marché extérieur et pas une volonté de spéculation de l’entreprise Gaz de France pour des raisons diverses.

J-J B : Et augmenter les bénéfices ?
Y J : Augmenter les bénéfices ou racheter d’autres entreprises ; je crois qu’il y a là un suivi. Je suis un grand partisan du libéralisme tempéré et je crois que l’Etat dans les grandes entreprises publiques d’énergie, doit jouer son rôle de tempérant dans l’augmentation des prix.

J-J B : On a entendu parler d’une taxe sur les billets TGV ?
Y J : Je n’ai pas entendu parler de ça et notre souci et celui de la majorité que je représente, ce n’est pas de taxer. Nous faisons en sorte qu’il y ait une vérité des prix, et quand les prix du pétrole augmente et que le pêcheur par exemple ne peut plus sortir son bateau parce qu’il ne peut plus acheter sou fioul, il faut agir pour que le pêcheur puisse survivre. Ou on se dit qu’on ne veut plus de pêcheurs en France, ou on trouve une solution. Peut-être faut il interroger les intermédiaires, ceux qui sont entre le pêcheur et le consommateur ; c’est tout l’objet de la loi que nous avons voté la nuit passée à l’Assemblée Nationale qui est la loi Chatel qui va réformer la loi Galland pour faire que le circuit des prix entre celui qui produit et celui qui consomme soit plus clair, plus limpide. Qu’au bout du compte, ce soit le consommateur qui bénéficie des remises de prix et pas toujours la grande surface.

J-J B : Justement le président de la République a parlé de la grande distribution hier soir en disant qu’il fallait faire pression pour que les prix baissent. Comment fait-on pression sur la grande distribution pour que les prix baissent ?
Y J : La grande distribution a une force de négociation très forte, elle négocie des choses avec les petits producteurs, qui fait qu’elle obtient une part de produits gratuits, qu’elle obtient des remises, qu’elle obtient un certain nombre de dispositions. Aujourd’hui la loi française qui s’appelle la loi Galland empêche la grande surface de redonner aux consommateurs l’avantage dont elle a bénéficié. Si par exemple elle achète quatre cageots de pommes, qu’elle négocie bien et qu’on lui en offre un cinquième, le prix du cageot, elle ne pourra pas le mettre en diminution sur les quatre premiers. Nous sommes en train de réformer cette loi, la loi a été votée à l’Assemblée et va passer au Sénat pour faire en sorte que quand une grande surface obtient des avantages, ce soit le consommateur qui puisse bénéficier de ces avantages. La réforme que nous sommes en train de voter, évidemment s’appliquera dans quelques mois. Il faut expliquer aussi aux auditeurs et aux téléspectateurs que ce n’est pas parce qu’on a voté une réforme hier qu’elle s’applique immédiatement. Nous estimons que cette réforme va faire baisser les prix de 3 à 4% dans les grandes surfaces.

J-J B : Par rapport au pétrole, pourquoi on est capable à l’heure actuelle de faire une pression sur le lobby des supermarchés et pourquoi on ne ferait pas une pression sur le lobby des pétroliers ? Est-ce qu’on aurait pas une solution à trouver avec les pétroliers ?
Y J : Nous le faisons. Attendons de savoir comment ça va se répercuter sur les prix. On a une difficulté, il ne faut pas mentir à ceux qui nous écoutent, sur ce qu’on appelle le lobby des pétroliers. J’entends nos amis socialistes dire qu’il y a douze milliards de profits chez Total, il suffit de les taxer. Mais Total est une entreprise qui n’a que 5% de son activité sur le territoire national. Le jour où la France voudra taxer Total, Total ira exercer son activité ailleurs dans le monde et nous n’aurons plus les taxes des douze milliards de profit, nous n’aurons plus rien. Il y a donc là une pression qui est constante du Gouvernement sur les pétroliers mais il faut reconnaître que le lobby des pétroliers ou que les entreprises pétrolières sont autrement plus fortes parce qu’elles ont une dimension mondiale que n’ont pas le lobby des grandes surfaces en France. Avec les grandes surfaces en France, on avait un problème législatif, c’est celui de la loi Galland. Nous sommes en train de la changer, c’est plus compliqué sur le prix de l’essence et du pétrole.

La rédaction-Bourdin & Co