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Il y a 40 ans, Simone Veil ouvrait le débat sur l'avortement

Simone Veil, en mai 1974, à la tribune de l'Assemblée pour défendre sa loi sur l'avortement.

Simone Veil, en mai 1974, à la tribune de l'Assemblée pour défendre sa loi sur l'avortement. - SRT – AFP

Les débats à l'Assemblée nationale conduisant à la légalisation de l'avortement ont été très durs. Pendant trois jours et deux nuits de novembre 1974, Simone Veil défend son texte devant son texte devant certains députés très hostiles.

Le 26 novembre 74, Simone Veil, ministre de la santé, présentait à l'Assemblée nationale son projet de réforme de la législation sur l'avortement ouvrant trois jours de débats d'une rare intensité. Lucien Neuwirth, qui avait présenté en 1967 la loi sur la contraception, l'avait prévenue: "Vous verrez, cette question soulève une violence très forte". A l'époque, interrompre une grossesse est toujours considéré comme un crime par le Code pénal.

Dans une assemblée où siégeaient à l'époque 490 hommes et 12 femmes (2,4%) et alors que des tracts et brochures odieux étaient déjà diffusés, Simone Veil monte à la tribune. Elle lance cette phrase qui restera célèbre: "Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. C'est toujours un drame, cela restera toujours un drame". "Je le dis avec toute ma conviction: l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue", affirme-t-elle dans son discours (à retrouver en intégralité ici).

"Retour du nazisme"

Suivront trois jours et deux nuits de débats parfois très violents. La ministre de la Santé, seule ministre au féminin du gouvernement de Jacques Chirac, doit affronter les insultes de ceux qu'elle appellera plus tard les "soudards".

René Feït fait entendre à la tribune de l'Assemblée un enregistrement des battements de cœur d'un fœtus. Le député affirme que si le projet était adopté "il ferait chaque année deux fois plus de victimes que la bombe d'Hiroshima".

Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux du général de Gaulle, lance: "Le temps n'est pas loin où nous connaîtrons en France ces avortoirs, ces abattoirs où s'entassent des cadavres de petits hommes".

Jean-Marie Daillet évoque non sans provocation à l'égard de l'ancienne déportée d'Auschwitz les embryons "jetés au four crématoire". Jacques Médecin parle de "barbarie organisée et couverte par la loi comme elle le fut par les nazis". D'autres parlent de "retour du nazisme".

Le texte est finalement adopté en première lecture à 3 heures 40 le 29 novembre 1974, grâce aux voix de l'opposition de gauche. Alain Fernbach, le présentateur du 13 heures, loue" le courage d'une femme face à une assemblée profondément troublée".

Les anti-avortement toujours mobilisés

40 ans plus tard, dans la même Assemblée nationale, les députés s'apprêtent à adopter mercredi une proposition de résolution cosignée par tous les présidents de groupes pour réaffirmer "le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse en France et en Europe".

Mais la page n'est pas encore tournée pour tout le monde. Une petite poignée de députés votera contre ce texte. Et Christine Boutin et les anti-avortement ne s'en remettent toujours pas: "Il y a 40 ans je recevais un coup de poignard dans le cœur avec le vote de cette loi! Il entraîna ma carrière politique!", tweetait-elle mercredi matin.

Karine Lambin