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Politique

Il reste un otage en Algérie : la France

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Le bilan de la prise d’otages d’In Amenas ne devrait être connu qu’aujourd’hui, mais on sait qu’il sera très lourd après l’assaut donné samedi par l’armée algérienne. François Hollande a approuvé les conditions de cette intervention.

On ne peut pas admettre que la position de la France après un tel massacre se résume à la phrase de F. Hollande, selon qui les Algériens auraient eu « les réponses les plus adaptées ». Les « réponses » dont il s’agit, c’est une charge violente, presque aveugle, qui ne pouvait déboucher que sur un bain de sang. Ne pas négocier est une chose (et on le sait, c’est la doctrine algérienne face au terrorisme) ; ordonner un massacre en est une autre. Or jamais la France n’aurait usé d’une telle méthode sur son sol. Donc tout indique que les Algériens ne nous ont pas laissé le choix. L’issue de cette prise d’otages a été honteuse – pour la France aussi.

Mais y avait-il une autre issue possible ? Aurait-on pu convaincre les Algériens de s’y prendre autrement ?

Sans doute que non mais ni l’Elysée ni le Quai d’Orsay n’oseront le dire : nous avons mis des mois à reconstruire une relation avec l’Algérie. François Hollande a multiplié les gestes d’apaisement. Au regard de l’histoire, il a eu raison. Vu les enjeux politiques, il s’est peut-être lié les mains. L’Algérie n’est pas une démocratie ; c’est un Etat autoritaire où l’armée joue un jeu trouble et où l’opinion ne pèse rien. Mais c’est ce pays qui est notre principal partenaire dans la guerre au Mali – pour ne pas dire le seul. Comme les Européens, eux, nous soutiennent du bout des doigts, F. Hollande est condamné à être l’allié des Algériens… en se bouchant le nez.

Justement, est-ce que ce qui s’est passé en Algérie peut remettre en cause le bien-fondé de l’intervention militaire française au Mali ?

Ça soulève au moins des questions. On a trop vu l’instance des officiels français à expliquer que la prise d’otages était trop bien préparée pour n’être qu’une réaction à l’opération française au Mali. Ce n’est pas forcément faux, mais la revendication d’Al Qaeda réclame le retrait des forces françaises du Mali… Le vrai problème, c’est que les buts de cette guerre ne sont pas clairs : François Hollande a d’abord parlé de repousser les islamistes (jusqu’où ?), puis de rétablir l’Etat malien (qu’en reste-t-il ?) ; enfin de « détruire les terroristes » – langage martial qui peut avoir des vertus en politique intérieure, mais qui augure surtout d’une opération très longue. Nous sommes partis pour une guerre dure, une guerre qui dure… et que nous allons être seuls à endurer.

Vous voulez dire que nos alliés européens ne vont pas nous suivre ? Même après ce qui s’est passé en Algérie ?

Il sera difficile de soutenir que la prise d’otages et l’intervention au Mali ne sont pas liées tout en en faisant un motif d’entrée en guerre pour nos alliés – il faut choisir. De toute façon, il est clair que personne ne tient à partager les risques ; ce qui semble montrer que les occidentaux jugent que c’est peut-être à la France et surtout aux Africains de régler le problème du terrorisme au Sahel. En Libye, Sarkozy avait pris les devants mais l’OTAN était associée. S’agissant du Mali, on voit moins d’atlantisme que d’attentisme. Nos cocoricos n’y changent rien : notre guerre au Mali a commencé par un carnage militaire en Algérie et un fiasco diplomatique en Europe. Il n’y a aucune gloire à en tirer.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 21 janvier.

Hervé Gattegno