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Politique

Hortefeux : « Choisir ceux qu’on accueille »

Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, était l'invité de Jean-Jacques Bourdin le lundi 8 octobre.

Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, était l'invité de Jean-Jacques Bourdin le lundi 8 octobre. - -

Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Co-développement défend sa loi sur le regroupement familial avec sérénité.

J-J B : Votre loi sur le regroupement familial, elle est faite pour le favoriser ou pour le limiter ?
B H : Il y a deux objectifs dans ce projet de loi : le premier élément est de rééquilibrer immigration familiale et immigration économique. Chaque année on délivre 165 000 titres de séjour dont 92 000 sont consacrés à l’immigration familiale et simplement 11 000 du côté de l’immigration économique. Il y a un déséquilibre. Cela fait 7% seulement d’immigration économique. Ensuite, on est parti du constat qu’il faut réussir l’intégration. Il y a un postulat de départ qui est la langue. Nous proposons donc une mesure simple, qui est de dire qu’avant de venir sur notre territoire, il faut passer un petit test, d’une quinzaine de minutes, de français courant sur quelques mots nécessaires à la vie de tous les jours.

J-J B : J’ai vu que les conjointes rejoignant leur époux n’auront pas besoin de connaître le Français ?
B H : Oui, il y avait des mesures d’adaptation qui sont toujours utiles… Ce qui est intéressant et important c’est que le texte initial que j’ai proposé à été adopté sans aucune difficulté ou polémique, tout simplement parce que ce que j’ai proposé, c’est un texte qui est à la fois clair et protecteur.

J-J B : Dans d’autres pays d’Europe, l’idée est de favoriser le regroupement familial. Donc leur situation ne ressemble pas à la situation française ?
B H : La situation est différente. Regardons le taux de fécondité en Espagne qui est de 1.32, soit le plus faible au monde. Le nôtre est d’un peu plus de 2, c’est à dire un des plus forts d’Europe. Naturellement la situation de la démographie en Espagne et en France n’est pas la même. Nous n’avons pas besoin d’une immigration pour soutenir une démographie qui serait défaillante. Mais il y a une question de fond qui est : pourquoi faut-il maîtriser l’immigration ? Il faut le faire sans arrogance, sans agressivité, calmement pour un certain nombre de raisons. On ne peut pas dire que l’intégration se passe bien. Il faut en avoir conscience.

J-J B : Il y a plusieurs lois qui n’en ont pas pris conscience…
B H : Oui parce que c’est un sujet extrêmement difficile. Prenons un exemple simple : il y a 60% des populations immigrées qui sont regroupées simplement sur trois régions. Ce qui veut dire qu’on a tous les ingrédients pour que ça ne fonctionne pas. Si l’on prend le cas du département de la Seine-St-Denis, il y a les deux tiers de la population qui sont d’origine étrangère. Il n’y a donc qu’un tiers de français d’origine. C’est un constat et non pas un jugement. Il faut donc bouger les choses et c’est ce en quoi je m’attèle dans le calme et la sérénité mais avec beaucoup de détermination.

J-J B : Dites-moi franchement : M. Mariani vous a pourri la vie ? Il vous fait passer comme le ministre le plus dur de l’immigration, l’homme qui va interdire toute arrivée d’immigrants dans ce pays…
B H : Ça permet de rappeler que le texte que j’ai proposé est un texte équilibré. Regardons ce que Thierry Mariani propose sur le fond : il propose que pour une personne qui souhaite revenir sur notre territoire ou une personne qui souhaite faire venir sa famille, il ait la possibilité d’un test ADN. C’est à dire que l’on fait un prélèvement salivaire qui est analysé dans un des quinze laboratoires existants sur notre territoire. Si la filiation de la mère à l’enfant est prouvée, la démarche est accélérée. Aujourd’hui, selon un rapport sénatorial, 30 à 80 % des actes d’Etat Civil sont incertains dans certains pays, soit parce qu’il y a eu des conflits ethniques, des guerres, ou qu’il n’y a pas les moyens d’Etat Civil. Voilà le fond de la proposition de M. Mariani. J’ai souhaité qu’on y apporte une garantie, comme par exemple l’expérimentation pendant 18 mois ou la participation d’un juge. Cela veut dire que c’est un système similaire à celui des Français. J’ai ensuite proposé que ce test soit remboursé parce que si on le fait il est juste qu’il soit remboursé. J’ai proposé toute une série de garde-fous et ça a été adopté par le Sénat.

J-J B : Vous aviez commis une erreur ?
B H : En l’occurrence si une erreur avait été commise, ça aurait été par le Parlement puisque c’est lui qui a adopté. Mais on ne peut pas non plus faire comme si les douze pays d’Europe qui pratiquent ce test sont en tort. La Grande Bretagne pratique 10 000 tests par an. On ne peut pas faire comme si ça ne comptait pas.

J-J B : Mais en Grande Bretagne il s’agit de favoriser le regroupement familial alors que nous l’idée est de le limiter et toute la différence est là…
B H : Et bien c’est très simple, c’est la même chose. S’il y a fraude, ça ne passe pas, et s’il y a bonne foi au contraire ça accélérera la procédure. On ne peut pas faire comme si les douze autres pays étaient des pays ne respectant pas les droits de l’homme.

J-J B : Est ce que vous allez le retirer ?
B H : Non, le texte a été adopté, il y a des règles, j’ai veillé à la garantie. Ce texte sera discuté en Commission Paritaire et c’est elle qui décidera.

J-J B : Exclusion des sans papiers des centres d’hébergement, vous êtes d’accord ?
B H : Ce n’est pas une question de sans ou avec papiers. Il y a un principe simple qui est celui qu’aujourd’hui, toute personne peut être accueillie dans un centre d’hébergement, et il n’est pas question de revenir là-dessus. Il va y avoir aujourd’hui une réunion avec un certain nombre d’associations pour voir comment on peut trouver les solutions qui soient justes.

J-J B : Alors on fait quoi de ces sans papiers ?
B H : Moi je ne suis pas pour qu’on les exclue de ces centres d’hébergement. Sur le fond il y a une réalité qui doit être bien comprise et je ne tergiverserai pas avec : notre pays a le droit de choisir qui il veut et qui il peut accueillir sur son territoire. Chaque pays y a le droit, la France ni plus ni moins que les autres. La deuxième réalité c’est que ce n’est pas la même chose que d’être en France avec des papiers, ou d’être sans papiers. Je le dis, un étranger en situation irrégulière à vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf cas particulier. Un étranger en situation légale, qui s’est donné du mal pour avoir des papiers, pour donner toutes les garanties, pour parler notre langue, doit pouvoir bénéficier d’un effort d’intégration. Il est impossible de caricaturer, ce n’est pas l’un sans l’autre, c’est l’un et l’autre.

J-J B : Encore un mot sur le test ADN que François Fillon a appelé « détail » qu’en pensez vous ?
B H : Chacun s’exprime avec son vocabulaire mais je connais bien M. François Fillon et je sais qu’il est très respectueux des droits de la personne humaine. Je pense qu’il a simplement voulu dire que par rapport au texte, ce n’était pas l’élément central. Il a voulu dire que le texte que j’ai présenté au nom du Gouvernement était utile, constructif, efficace, et qu’il avait été adopté sans difficulté et qu’il ne fallait donc pas que l’arbre cache la forêt.

J-J B : On a beaucoup parlé de vous pendant la campagne présidentielle, à propos d’une éventuelle dose de proportionnelle aux législatives. Quelle est votre position, vous y êtes toujours favorable ?
B H : J’avais dis que je croyais à la nécessité de la représentation de tous les courants d’opinion au sein du Parlement national et je précise Parlement national, parce qu’au Parlement Européen c’est déjà le cas. Je n’ai pas changé d’avis, je suis favorable au scrutin majoritaire, il doit le demeurer. Mais je pense qu’une dose de proportionnelle permettrait d’aérer la démocratie. D’ailleurs j’observe que le Conseil National de l’UMP a approuvé cette ligne à plus de 55%.

J-J B : Mais il y a quand même de fortes réticences ?
B H : 45% si mes calculs sont bons.

J-J B : Le président de la République est sur la même ligne que vous ? Vous en avez parlé récemment avec lui ?
B H : Bien sûr, avec Nicolas Sarkozy on peut parler de tout ce qui est une chance. Il a confié une réflexion sur ce sujet, il s’est exprimé pendant la campagne présidentielle, et il a indiqué qu’il était favorable au scrutin majoritaire qui est la quintessence de notre système électoral. Mais en même temps, il est aussi favorable à une réflexion sur la représentativité des courants minoritaires. Aujourd’hui vous avez une partie de l’opinion qui n’est pas représentée au sein des deux Assemblées. Moi je suis favorable à une démocratie ouverte et aérée.

La rédaction-Bourdin & Co