Après son limogeage, Batho balance, Matignon répond

Le Premier ministre était particulièrement visé par Delphine Batho. - -
En accusant le gouvernement d'avoir cédé à des "puissances économiques" et le Premier ministre d'avoir arbitré les budgets "sans discussion directe", l'ex ministre de l'Ecologie Delphine Batho a provoqué une ligne de rupture dans son camp, celui du Parti socialiste.
Delphine Batho a exposé sa vision de son éviction en accusant notamment le gouvernement d'avoir changé les règles dans l'arbitrage du budget pour 2014: "L'arbitrage s'est fait sans discussion directe. C'est fini la collégialité dans ce gouvernement."
A peine quelques minutes après sa conférence de presse à l'Assemblée nationale, le ministre du Budget Bernard Cazeneuve lui a aussitôt rétorqué que c'était elle qui n'avait "pas demandé de réunion d'arbitrage" sur son budget au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Dans la soirée, c'est Matignon qui a réfuté ses accusations.
Matignon: "uniquement lié à ses déclarations"
L'éviction du gouvernement de Delphine Batho est "uniquement liée à ses déclarations sur son budget qu'elle a jugé mauvais", a-t-on affirmé à Matignon en réfutant les propos de l'ex ministre attribuant son limogeage à l'influence des lobbies pro nucléaire ou gaz de schiste.
"Si on estime qu'on a un mauvais budget, on quitte le gouvernement", a-t-on dit dans l'entourage du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
"Assumer ses erreurs"
Delphine Batho a accusé le gouvernement d'avoir cédé au tournant de la rigueur, "qui prépare à la marche au pouvoir de l'extrême droite". Pour Bernard Cazeneuve, "il n'y a pas" de tel "tournant".
Une opinion partagée par le président du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux. "Il n'y a pas aujourd'hui de tournant de la rigueur", a-t-il également affirmé. Avant de fustiger la défense de l'ex ministre: "la responsabilité, c'est d'assumer ses erreurs. Pas de chercher à les imputer à la ligne gouvernementale!"
"Plus de collégialité"
Mais au sein du groupe socialiste à l'Assemblée, tous ne partagent d'évidence pas cette opinion. Le député de l'Essonne Malek Boutih, l'un des principaux soutiens de Delphine Batho, a pour sa part pris la défense de la ministre limogée.
"Quand elle dit qu'il n'y a plus de collégialité, c'est un sentiment qu'on a ressenti au sein du groupe socialiste (ndlr: à l'Assemblée)", a pointé l'ancien président de SOS Racisme. Selon lui, "plus les choses deviennent difficiles politiquement, moins on demande leur avis à ceux qui participent à ce combat."
La veille, sur notre antenne, Malek Boutih avait déjà dénoncé "une opération montée" par l'exécutif contre Delphine Batho.
Un autre député de l'Essonne, Thierry Mandon, a de son côté tenté de désamorcer la polémique, arguant que l'ex ministre s'était exprimée "sous le coup de la colère et de l'émotion". Selon lui, une sanction "est tombée sur elle avec brutalité" pour de simples "déclarations maladroites".
Borloo parle de "crise politique majeure"
A l'inverse, le président de l'UDI Jean-Louis Borloo a estimé que les déclarations de Delphine Batho avaient ouvert "une crise politique majeure". Pour l'ancien ministre de l'Ecologie, Delphine Batho "a affirmé à haute voix ce que bon nombre de membres de la majorité n'osent pas dire publiquement."