François Ruffin, député inattendu, veut suivre ses propres règles

Le réalisateur et journaliste François Ruffin a été élu député. - FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Sur le papier, il s'apprêtait à être battu, dimanche soir. Pourtant, il a été élu. François Ruffin, candidat de "Picardie Debout!" dans la 1ère circonscription de la Somme, a recueilli 55,97% de voix au second tour, alors qu'il était largement devancé au premier par le candidat LREM, le maire d'Abbeville, Nicolas Dumont, face auquel il n'avait recueilli que 22,93%.
"Ruffin député! Le peuple à l'Assemblée!", a-t-il annoncé sur Twitter dimanche soir, semblant ne pas y croire lui-même.
Journaliste et réalisateur, auteur du documentaire Merci Patron!, couronné par un César, François Ruffin a promis de ne renoncer ni à son franc-parler ni à ses engagements s'il était élu. Ce lundi, parlant de son élection comme d'un "miracle", il a d'abord insisté sur sa volonté de travailler dur et rendu hommage à la mobilisation de ses soutiens.
"C'est le travail de terrain qui a payé", a-t-il estimé sur RTL. "Ce sont des dizaines voire une centaine de militants qui ont arpenté les villes, les villages et qui, au porte à porte, sont allés arracher les gens, non pas au vote Macron puisqu'on savait que, dans le coin, les gens ne voulaient pas de ça, mais simplement sont allées les arracher à l'abstention, à la résignation, à l'écoeurement", a-t-il analysé.
"On dit que je suis spécialiste des coups médiatiques mais d'abord je suis un gros bosseur. Moi je souhaite être un point d’appui pour tous ceux qui veulent que ça change dans le pays", a-t-il poursuivi, expliquant vouloir être le "porte-voix de ceux qui veulent dire quelque chose dans le pays".
L'opposition à un président "déjà haï"
Parmi ses "coups médiatiques", sa venue sur le parking de l'usine Whirlpool, à la rencontre d'Emmanuel Macron, en pleine campagne présidentielle. Dans l'entre-deux tours, il avait évoqué l'idée de voter pour Emmanuel Macron afin de battre Marine Le Pen, ce que Jean-Luc Mélenchon se refusait à faire. Une décision qui lui a été reprochée sur le terrain, et pour laquelle il s'est mordu les doigts. Dans une tribune au vitriol publiée début mai dans Le Monde, il coupait court à toute possibilité de malentendu en s'adressant à un "président déjà haï". Pas de doute possible, le nouvel élu veut incarner l'opposition et ne mâche pas ses mots à l'égard du chef de l'Etat.
"C’est pas comme si Emmanuel Macron était quelqu’un de neuf, il a été le conseiller de François Hollande pour tout ce qui a été mis en place au niveau économique. Il fallait que le système ait un visage neuf pour proposer la même politique", a expliqué François Ruffin, estimant qu'Emmanuel Macron n'avait pas convaincu les salariés de Whirlpool lors de sa venue sur le site.
"Si on ne trouve pas des voix pour porter nos paroles à l'intérieur de l'Assemblée nationale, si c'est un bloc monolithique qui avance avec ses lois, sûr de soi, dominant, eh bien, c'est à l'extérieur de l'Assemblée nationale que ça se passera", a-t-il averti.
"La discipline de groupe, c'est pas pour moi"
Avant même d'être entré officiellement au Palais Bourbon, François Ruffin a dénoncé l'une des réformes phares que le gouvernement défendra dans les mois à venir. "Quelle est la loi que veut passer Emmanuel Macron? C’est pas des ordonnances contre la finance, c’est des ordonnances contre les salariés", a-t-il dénoncé.
Investi par La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon mais sans avoir signé la charte d'engagements prévoyant notamment la discipline de vote, François Ruffin a par ailleurs confirmé qu'il voterait "en (son) âme et conscience et en toute indépendance".
"La discipline de groupe, c’est pas pour moi. Il n'y a pas besoin de discipline quand on est d’accord sur l’essentiel", a-t-il ajouté, précisant tout de même ne pas avoir de difficulté "avec le programme de la France insoumise".
Un député au Smic
Le nouveau député a aussi assuré qu'il respecterait les trois engagements pris auprès de ses électeurs: tout d'abord, il se paiera au Smic, pour un mandat révocable.
"Si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m'en irai", a-t-il assuré.
Il prévoit aussi de faire gérer sa réserve parlementaire par un jury populaire tiré au sort, si elle est conservée, puisque le projet de loi de moralisation de la vie publique prévoit de la supprimer. Quant au reste de ses indemnités, il a annoncé vouloir reverser la somme "à des oeuvres".