François Hollande, l'autre grand perdant du 1er tour de la primaire

"Primaire de la droite et du centre", annonce l’intitulé du scrutin dont le premier tour a eu lieu dimanche. Pourtant, il semble qu’une bonne part de l’électorat de gauche se soit sentie concernée au point de se pencher sur les urnes de l’opposition. Un phénomène qui constitue un acte de divorce de plus entre François Hollande et sa base.
De nombreux électeurs de gauche sont allés voir ailleurs
Selon un sondage Elabe pour BFMTV réalisé auprès de 8.002 personnes, 15% des votants provenaient de la gauche. Pour une étude Opinion Way réalisée auprès de 3.095 personnes, 12% des participants au suffrage sont venus des rangs de la gauche. L’enseignement est similaire du côté d’Harris Interactive pour LCP et Public Sénat qui a recueilli les réponses de 6.061 personnes: 14% des votants se revendiquent de la gauche…soit le même pourcentage que les centristes. Sans grande surprise, c’est Alain Juppé, avec son "identité heureuse", qui se taille la plus belle part de cet électorat. Il capte 23% des voix des trouble-fêtes de gauche.
La soirée de dimanche, première étape vers la désignation du candidat de l’opposition, a ainsi résonné comme un cruel désaveu envers les capacités de visionnaire du chef de l’Etat. Dans Un président ne devrait pas dire ça, les auteurs, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, citaient ces propos présidentiels: "Il n’y en aura que deux, Juppé et Sarkozy. (…) Fillon n’a aucune chance."
Une volonté d'en finir
Moins anecdotique et plus inquiétant pour le patron de l’exécutif, la participation massive au premier tour de la primaire de la droite et du centre relaie une volonté large de songer à l’après-François Hollande. Plus de quatre millions de personnes ont déposé leur bulletin après avoir pris soin de verser 2 euros aux principales formations d’opposition à François Hollande et de signer la charte des valeurs proposée par ces partis.
Deux produits en croix sont susceptibles de donner des sueurs froides à celui qui avait amené la gauche à la victoire en 2012. Quatre millions de votants sur un collège électoral comptant environ 45 millions de personnes, ça signifie que près de 9% des Français enregistrés sur les listes électorales ont fait le déplacement au premier tour de cette primaire. Et si 15% des participants étaient bien de gauche, alors il faut penser que 600.000 individus étant normalement portés à soutenir l’actuelle majorité ont jugé bon d’aller voir ailleurs.
Par delà les courants, les clivages, la victoire ou la défaite, c’est d’ailleurs ce constat d'une volonté d'en finir avec l'ère ouverte il y a près de cinq ans qui a été dressé par tous les compétiteurs de la primaire et leurs lieutenants durant la primaire. Lors de la prise de parole consécutive à son triomphe, François Fillon a voulu voir dans le "succès populaire" de la primaire, et "la vague" qui l’a porté, le souhait des Français de rompre avec le quinquennat en cours.
Dans la presse, on achève bien François Hollande
Au lendemain de ce premier volet de la primaire de la droite et du centre, de nombreux éditorialistes ont déjà rédigé les faire-part annonçant la fin politique de François Hollande. Dans Le Figaro, Guillaume Tabard n’a pas raté une si belle occasion: "Le oui par millions aux candidats de la droite est d’abord et avant tout un non immense à François Hollande. Comme, il y a cinq ans, la primaire socialiste avait été dopée à l’antisarkozysme, la primaire de la droite a été portée par la volonté, et même l’impatience, de tourner la page Hollande." Dans les colonnes de L’Opinion, Nicolas Beytout, a salué ce qui est selon lui le symbole de "L’alternance en marche". L’Humanité condamne pour sa part un président laissant "derrière lui un champ de ruines".
Chez les derniers partisans du président Hollande, on veut quand même se persuader que le verre est au moins à moitié plein. Les "Hollandais" répètent en chœur que les 44% de François Fillon au soir du 20 novembre alors que les sondages le donnaient encore à 10% environ un mois auparavant prouvent que tout est possible. Et puis, ce candidat à la fois décrit comme "reaganien et thatcherien", c’est-à-dire réactionnaire et ultralibéral, n’est-il pas plus simple à abattre pour le candidat de la majorité qu’un Juppé, plus agréable aux centristes? Mais l’analyse ne dépasse pas le dernier carré que forment les convaincus. Un député proche de Manuel Valls, mentionné par le site d’Europe 1, se réjouit: "Hollande n’aura pas son match retour avec Sarkozy, c’est un signe de plus qu’il faut laisser la place."