Fin de vie : un projet de loi fin juin au Parlement

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Chaque année, 600 000 Français décèdent. Certains partent rapidement, et sans douleur, d’autres au terme d’un long chemin de souffrances. Faut-il, pour ces derniers, autoriser l’euthanasie ou le suicide assisté en France, comme cela se fait en Belgique, en Suisse ou aux Pays-Bas ? C’est la question à laquelle a essayé de répondre Didier Sicard, l’ex président du Conseil consultatif national éthique qui a remis ce mardi le rapport sur le sujet que François Hollande lui a commandé il y a cinq mois. Avec les huit experts de sa mission, ils ont auditionné durant les trois derniers mois, en France et à l’étranger, des centaines d’institutions, d’associations, de soignants et de citoyens ordinaires. Sur les bases du texte, un projet de loi sera présenté fin juin 2013 au Parlement. Le rapport recommande notamment, dans certains cas de fins de vie difficiles et à la demande explicite du malade, que soit accordée la possibilité d'un geste médical pour « accélérer la survenue de la mort ».
La loi Leonetti insuffisante
« Malgré les apports indéniables de la loi Leonetti, la législation en vigueur ne permet pas de répondre à l'ensemble des préoccupations légitimes exprimées par les personnes atteintes de maladie grave et incurable », écrit l’Elysée dans un communiqué. En 2005, les députés français se sont saisis du problème et ont voté la loi dite « Leonetti », du nom de l’auteur du texte, Jean Leonetti, député UMP des Alpes Maritimes. Cette loi, importante étape dans l’évolution de la législation française sur la fin de vie, a proscrit l’acharnement thérapeutique tout en affirmant l’interdit absolu de tuer. Mais, dans sa formulation actuelle, elle n’est pas en mesure de répondre à toutes les situations, estime le rapport qui la juge « sans visibilité, mal appliquée, voire inappliquée ». Elle doit faire l'objet d'un « effort majeur d'appropriation par la société et par l'ensemble des médecins et des soignants ». Avant d'aller plus loin.
« 3 pistes d'évolution de la législation »
Le chef de l'Etat a décidé de « saisir comme la loi le prévoit le Comité consultatif national d'éthique afin que celui-ci puisse se prononcer sur les trois pistes d'évolution de la législation ouverte par le rapport ». Il s'agit de savoir, premièrement, comment « recueillir et appliquer des directives anticipées émises par une personne en pleine santé ou à l'annonce d'une maladie grave, concernant la fin de sa vie ». Ensuite, il faudra définir « selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome atteint d'une maladie grave et incurable d'être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ». Enfin, trouver « comment rendre plus dignes les derniers moments d'un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d'une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants », explique l'Elysée. C'est « sur la base de ces avis » qu'un projet de loi sera présenté au parlement en juin prochain. L'Elysée précise que « des mesures seront proposées avant la fin de mai 2013 » par la ministre de la Santé Marisol Touraine, et celle de la Recherche et de l'Enseignement supérieur Geneviève Fioraso, concernant notamment le rapprochement des soins palliatifs et des soins curatifs.
« Une sédation terminale entraînant le coma puis la mort »
« Le président a vraiment envie d'ouvrir ce chantier dans toute sa complexité mais avec tout le courage nécessaire », a affirmé Didier Sicard à l’issue de la rencontre avec François Hollande. Dans son rapport, il propose l'amélioration de la formation médicale pour favoriser « l'intégration d'une compétence en soins palliatifs dans toute pratique clinique ».
Dans « les phases ultimes de l'accompagnement en fin de vie », lorsque la personne demande l'arrêt des traitements, la mission estime qu'il « serait cruel de la laisser mourir ou de la laisser vivre sans lui apporter la possibilité d'un geste accompli par un médecin accélérant la survenue de la mort ». Selon le quotidien Le Monde, le rapport propose « qu'une sédation terminale (administration d'opiacés entraînant le coma puis la mort) puisse être administrée par les médecins aux patients qui l'auraient demandé de façon réitérée ».
« Une réponse à toutes ces situations dramatiques »
Pour Claude Uri, présidente de l'association Ultime Liberté, qui accompagne notamment régulièrement des malades en Suisse, il faut ouvrir le plus de possibilités possibles et laisser le choix au malade. « Il faut que l’on puisse avoir une réponse à toutes ces situations dramatiques. Au lieu d’avoir la même loi pour tout le monde, il faut que chacun puisse avoir le choix, ce choix qui peut allier des soins palliatifs à l’acharnement thérapeutique si la personne le demande en passant par l’euthanasie et le suicide assisté ».
« Ce n’est pas notre boulot »
Mais la proposition connaît toujours beaucoup d’opposition dans le secteur médical. Le professeur Bernard Devalois, médecin responsable du service de soins palliatifs de l'Hôpital de Pontoise dans les Hauts-de-Seine, souhaite que le corps médical soit laissé en dehors de ces questions. « Pour moi, il n’est pas souhaitable de faire un texte de loi qui légalise le droit donné à des médecins de provoquer la mort de leurs patients par une injection létale : ce n’est pas notre boulot ! Quand j’entends des gens laisser croire que ce serait supprimer du pouvoir médical que d’autoriser l’injection létale, ils se trompent totalement, ce serait renforcer d’une manière extraordinaire le pouvoir médical que leur donner ce droit », estime le médecin.