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"Complaisance avec l'extrême droite": la gauche fustige les propos de Macron sur la "décivilisation"

La "gauche unie" de la Nupes s'est réunie au gymnase Japy à Paris, le mardi 18 janvier 2023

La "gauche unie" de la Nupes s'est réunie au gymnase Japy à Paris, le mardi 18 janvier 2023 - THOMAS SAMSON / AFP

Le président de la République a employé cette expression en Conseil des ministres ce mercredi pour décrire les récents faits de violences. La gauche l'accuse de reprendre un terme connoté à droite et à l'extrême droite.

"Dangereux pour notre pays", "huile sur le feu", "courte échelle à l'extrême droite": les réactions de la gauche se sont multipliées mercredi, après que le président de la République Emmanuel Macron a appelé le gouvernement à "travailler pour contrer le processus de décivilisation", lors du Conseil des ministres.

Le chef de l'État faisait allusion à plusieurs épisodes de violences récents: l'infirmière tuée à l'hôpital de Reims, les policiers morts dans le Nord dans un accident impliquant un conducteur drogué et alcoolisé et l'incendie du domicile du maire de Saint-Brevin, à la suite duquel l'édile a démissionné.

"Complaisance coupable"

Le député écologiste Benjamin Lucas a mis en avant deux hypothèses. La première: "Le président de la République est en réalité dépourvu d’intelligence du verbe, d’inhibition républicaine et de réflexion sur les mots qu’il emploie". La seconde: "Le président de la République sait ce qu’il fait en reprenant les thèmes et les termes de l’extrême droite".

"Considérer que ce serait pure coïncidence est soit une farce, soit affligeant", a tranché son collègue insoumis Alexis Corbière. Tout en rappelant que le terme de "décivilisation" est le titre d'un ouvrage de "l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus".

Lequel est également à l'origine de la popularisation de la théorie raciste et complotiste du "grand remplacement", dont l'ex-polémiste Éric Zemmour s'est fait le chantre lors de la dernière campagne présidentielle.

"Dangereux"

Historiquement, le terme "décivilisation" renvoie notamment au sociologue allemand Norbert Elias, mais il est connoté politiquement. A droite, Bruno Retailleau, patron des sénateurs Les Républicains (LR) et David Lisnard, maire (LR) de Cannes et président de l'association des maires de France (AMF) ont récemment employé cette expression.

Cyrielle Chatelain s'est voulue encore plus explicite qu'Alexis Corbière au moment de critiquer le président de la République. Pour la cheffe des députés écologistes, les propos de ce dernier sont un "nouvel exemple" de sa "complaisance coupable envers l'extrême droite".

"C'est dangereux pour notre pays, tout simplement", a mis en garde Marine Tondelier au micro de BFMTV, depuis Saint-Brevin, en Loire Atlantique, où les différents responsables de gauche ont marché en soutien au maire démissionnaire de la commune Yannick Morez, victime de menaces de l'extrême droite.

"Nouvelle poudre de perlimpinpin de Gérard Majax"

La patronne d'Europe Écologie-Les Verts (EE-LV) a prôné l'"apaisement" et la "concorde", ajoutant: "Ça ne peut pas être un concours, entre d’un côté l’extrême droite, de l’autre le président de la République et le ministère de l’Intérieur au milieu qui remet de l’huile sur le feu."

Invité de BFMTV, le député insoumis François Piquemal a jugé qu'il s'agissait d'une diversion. Reprenant des expressions d'Emmanuel Macron restées dans la postérité, il a déclaré: "C'est la nouvelle poudre de perlimpinpin de Gérard Majax". Objectif de l'hôte de l'Élysée, selon lui: "Nous faire oublier qu'il y a quelque chose de crucial qui arrive à l'Assemblée le 8 juin prochain".

Ce jour-là, les députés du groupe hétéroclite Libertés indépendants outre-mer et territoires (Liot) présentent une proposition de loi consistant à abroger le report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, prévue dans la réforme des retraites. De quoi donner de grosses sueurs au camp présidentiel, qui s'organise pour tuer dans l'œuf ce texte.

"Rôle crucial"

A l'image d'autres élus de gauche, François Piquemal a également pointé le "rôle crucial" d'Emmanuel Macron dans le climat actuel.

"Il faut quand même dire que quand la violence contre les élus augmente, ça souligne qu'il y a un problème démocratique, un dysfonctionnement. Et ce dysfonctionnement, il est en quand même comptable", a complété Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (PS).

"Quand on multiplie les passages en force avec le 49.3, quand on ignore des taux d'abstention qui fragilisent la légitimité de la démocratie représentative, quand on se refuse aux référendums... Tout ça, ça déplace la violence", a-t-elle poursuivi.

Renaud Camus "associe la décivilisation à l'étranger"

Son homologue à Renaissance, Loïc Signor, a défendu le président de la République. "On voit des faits de décivilisation", a-t-il opiné, avant d'en donner une définition en prenant exemple sur la mort des trois policiers à Roubaix:

"La décivilisation, c'est quand vous avez quelqu'un, multirécidiviste, qui fonce sur une voiture de police et qui va tuer ces agents de police, parce qu'il a fumé du cannabis ou qu'il a pris la voiture après avoir consommé de l'alcool. Ça, c'est quand on est décivilisé."

L'ex-journaliste a ensuite cherché à décorréler le propos d'Emmanuel Macron de celui de Renaud Camus, jugeant que ce dernier "associe la décivilisation à l'étranger", contrairement au chef de l'État.

Baptiste Farge