ENTRETIEN - Cahuzac sur RMC : « Je démissionne de mon mandat de député »

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Retrouvez ici l'interview exclusive de Jérôme Cahuzac (JC), un entretien de 28 minutes enregistré dans les conditions du direct, sans aucun montage ni aucune correction et diffusé mardi à 18 heures en simultané sur RMC et sur BFMTV. L'ancien ministre du Budget s'exprime pour la première fois depuis ses aveux il y a 2 semaines. Il répond à Jean-François Achilli (JFA), directeur de la rédaction de RMC.
Retrouvez en bas de page, la vidéo de l'entretien complet entre Jérôme Cahuzac et Jean-François Achilli.
Pour suivre Jean-François Achilli sur Twitter : https://twitter.com/JFAchilli
Les confessions sur sa conscience
18h27 - JFA : Vous avez pensé au suicide ?
- JC : (Silence) Dans les jours très noirs, quand on ne voit pas d’issue, il est finalement assez banal de se poser des questions fondamentales. Il me reste à assumer, le plus dignement possible.
18h25 - JFA : Ce qui vous rend le plus triste ?
- JC : (la voix tremblante) Faire souffrir ceux que j’aime… avoir créé un tel désordre dans le pays… avoir déçu la confiance de ceux qui croyaient en moi (…). Dans cette détresse, il me reste à être digne.
18h24 - JFA : Piégé par un coup de fil… c’est moche !
- JC : (Silence) Ce qui est moche c’est d’avoir fait ce que j’ai fait.
J’espère que le temps de la colère passée, (…) viendra le moment où le jugement sera moins dur. Il faut bien que je me raccroche à quelques espérances, sinon à quoi bon...
Qui était au courant, au moment des révélations de Mediapart ?
18h23 - JFA : Vous en voulez aux journalistes de Mediapart ?
- JC : Les méthodes sont contestables, car jamais la fin ne peut justifier les moyens.
Vos confrères ont puissamment contribué à dévaster ma vie. Mais le responsable c’est moi. Donc c’est à moi que j’en veux.
18h22 - JFA : Quand Mediapart a révélé la vérité début décembre 2012, est-ce que d’autres ministres savaient ? Est-ce que le président savait ?
- JC : J’ignore quel était son degré de connaissance de cette affaire.
A lui, comme au 1er ministre, comme à Pierre Moscovici, je n’ai pas dit la vérité. A eux aussi j’ai menti. Je le regrette amèrement.
Les sommes en Suisse, les relations avec les labos pharmaceutiques
18h18 - JC : L’argent vient de mon travail.
J’ai œuvré avec des labos pharmaceutiques, après avoir quitté le ministère [de la Santé], donc après la démission du gouvernement de Michel Rocard. Il n'y a pas de confusion des genres ni de conflit d'intérêt.
18h17 - JFA : On a parlé de 600 000 euros, puis de 15 millions d’euros, en Suisse et à Singapour. C’est vrai ?
- JC : 600 000 euros, oui. Le reste, non. La justice aura tous les documents.
- JFA : Pourquoi est-ce qu’on devrait vous croire aujourd’hui ?
- JC : C’est bien tout mon problème, dès lors que l’on m’a cru à tort hier. C’est la justice qui me permettra de démontrer la vérité.
La mécanique du mensonge : le compte caché en Suisse
18h16 - JFA : Est-ce que vous avez peur de la prison ?
- JC : C’est une possibilité. Oui j’ai peur.
C’est parce que je saurai surmonter cette peur que je parviendrai à me reconstruire, et plus important, à mériter l’affection et l’amour de mes amis et de ceux qui ont pour moi encore ce sentiment-là.
18h15 - JC : J’ai une épreuve judiciaire qui m’attend. Je veux l’affronter le plus loyalement, le plus sincèrement possible. Mais je n’ai pas à dire comment les choses se passent avec les juges.
18h14 - JC : Après ma démission, je comprends qu’il faut cesser avec cette situation malsaine. Je me consume littéralement de l’intérieur, par cette contradiction interne. Je ne la supporte plus.
J’espère rebâtir une vie… en tout cas être en accord avec moi-même.
18h12 - JC : On ne peut comprendre ce qui s’est passé que si l’on admet que (…) je ne sais plus que j’ai cela [un compte à l’étranger]. Je l’ai tellement occulté que je me mens à moi-même avant de mentir aux autres. J’oublie cette affaire.
18h11 - JFA : Vous confiez l’ouverture de ce compte à Philippe Péninque, membre du FN, un proche de Marine Le Pen.
- JC : Il y a 20 ans, il n’est pas proche de Marine Le Pen. Je lui confie ça parce que nous avons sympathisé à l’occasion d’activités sportives. Dans ma folle erreur, je lui confie à l’époque l’ouverture de ce compte, si vous voulez me faire dire que la morale n’y trouve pas son compte, je le reconnais bien volontiers.
18h11 - JC : J’avais de l’ambition et ne m’en suis jamais caché. Cette ambition, je n’aurais pas dû l’avoir sans supprimer cette part d’ombre [c’est ainsi que tout au long de l’entretien, Jérôme Cahuzac nomme son compte caché à l’étranger, NDLR].
18h10 - JC : Ce coup de téléphone que je reçois et qui me propose ces fonctions de ministre du Budget : à cet instant-là, j’aurais dû avoir la force d’âme de refuser. J’aurais dû dire non et j’ai commis une faute en acceptant ce poste. Je n’ai pas eu la lucidité de le refuser. J’en paie le prix fort aujourd’hui.
18h08 - JFA: Pourquoi n’avez-vous pas fermé ce compte à l’étranger ?
- JC : Je n’ai jamais trouvé la solution [pour le fermer], puisque toute solution ne pouvait passer que par la levée de l’anonymat, et je ne pouvais m’y résoudre, à tort.
On se ment à soi-même avant de mentir aux autres. Et je me suis menti à moi-même. Pendant des années.
18h07 - JC : J’ai commis une folle bêtise, une folle erreur il y a 20 ans. Ne me demandez pas pourquoi, par définition, folie et bêtise sont difficilement explicables.
J’avais une part d’ombre. J’envie ceux qui n’en ont aucune, tout en doutant qu’ils soient si nombreux que cela.
Cette part d’ombre, pendant toutes ces années j’ai tout fait pour la réduire le plus possible, pour la repousser le plus profondément possible. En vérité elle est toujours là, et la meilleure façon de régler son compte à cette part d’ombre, c’est d’affronter la vérité, et c’est ce que j’ai fini par décider de faire.
La vie politique et la descente aux enfers
18h06 - JFA : François Hollande ? Il vous a parlé récemment ?
- JC : Le président de la République n’avait pas à me parler, et j’aurais fait preuve de beaucoup d’impudence si j’avais tenté de le faire ?
Je lui ai demandé pardon. Par écrit.
C’est à lui de dire ou pas [s’il me pardonne]. Comme tout citoyen, je lui souhaite de tout cœur bonne chance pour conduire le pays.
18h05 - JFA : Est-ce que vous allez renoncer à vos indemnités de ministre, comme vous le demande Jean-Marc Ayrault ?
- JC : C’est un problème juridique, j’ai confié à mon avocat le soin de le régler.
18h04 - JFA : Est-ce que vous allez abandonner la vie politique, c’est fini ?
- JC : La vie politique n’a de sens que lorsqu’on est élu. Ne l’étant plus, je n’ai de fait plus de vie politique. J’ignore de quelle façon je peux tenter de compenser le mal que j’ai pu faire.
- JFA : Vous reviendrez un jour à la vie politique ?
- JC : Cela me paraît infiniment peu probable. J’ai le sentiment assez puissant qu’une page se tourne.
18h03 - JC : Aujourd’hui en conscience, j’estime que la gravité de cette faute ne me permet pas de rester parlementaire et j’ai donc décidé de démissionner de ce mandat.
J’estime que la faute morale ne me permet pas de rester député.
18h02 - JC : Les réactions ont été très violentes. Il y a eu une sorte d’acharnement dont je doute qu’il y ait un précédent dans l’histoire politique contemporaine.
18h01 - JFA : « Le ministre contre la fraude était justement un fraudeur » , a dit Jean-Marc Ayrault. Ca vous fait mal ?
- JC : Oui bien sûr. Cette déclaration est très dure. (la voix tremblante) Elle émane de quelqu’un pour qui j’ai toujours eu beaucoup de respect, et beaucoup d’affection. Mais en même temps, comment reprocher à Jean-Marc Ayrault de dire ce que fut une réalité ?
- JFA : Il a raison de dire ça ?
- JC : (Long silence) Probablement, puisque ce que j’ai fait ne correspondait pas à ce que la morale élémentaire m’aurait commandé de faire. (…) C’est une réalité que je dois affronter.
18h00 - JC : Une décision doit être prise : puis-je rester à l’Assemblée nationale ou dois-je démissionner de mon mandat de député ? Il m’a fallu du temps pour prendre cette décision.
Peut-être aussi ai-je eu besoin de ce temps pour mesurer l’ampleur et la gravité de la faute morale que j’ai commise.