EDITO - L'interview de Macron: "C'était du cash politique"

Près d'un an après son arrivée à l'Elysée, Emmanuel Macron répondait dimanche soir à Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel sur BFMTV, RMC et Mediapart. Une interview inédite, au cours de laquelle plusieurs sujets brûlants ont été abordés, et donnant lieu à de nombreuses passes d'armes entre le chef de l'Etat et ses intervieweurs. Pour Christophe Barbier, le chef de l'Etat s'est montré à la fois pédagogue et pugnace et s'est volontiers prêté à un exercice délicat. Bruno Jeudy regrette quant à lui que le président n'ait fait que peu d'annonces en 2h38 d'émission.

> Christophe Barbier: "Le président a choisi cet exercice, cette difficulté"
"Emmanuel Macron a été pugnace, il avait affaire aussi à deux adversaires redoutables. Il a été pédagogue dans sa pugnacité, ce n’est pas facile. Cela pouvait à certains moments l’éloigner des Français par une forme de démonstration technocratique permanente, comme il sait faire, et aussi parce que les questions l’emmenaient plus vers la démonstration idéologique que vers les réponses concrètes à des questions concrètes sur les problèmes concrets des Français. Le Président a choisi cet exercice, il a voulu se mettre dans cette difficulté-là, c’est-à-dire affronter un intervieweur qui ne laisse rien passer, Jean-Jacques Bourdin, on le connaît bien ici. Et un éditorialiste et parfois même idéologue, Edwy Plenel, qui dimanche n’était pas l’investigateur sortant des faits, mais vraiment l’homme d’idées, sortant des réflexions, des raisonnements, des démonstrations. Trop, si on attendait des réponses concrètes. Par exemple sur l’université, on n’a pas du tout parlé de Parcours Sup, on a essayé de voir s’il y pas une police répressive qui essayait de maltraiter des idéalistes engagés dans une dimension libertaire. C’était un peu décevant pour ceux qui attendaient une réponse concrète, et en même temps c’est exactement ce que voulaient les Français, c’est aussi ce qu’adore Edwy Plenel. Il n’y avait pas qu’une dimension spectacle dans cet affrontement, il y avait la volonté de confronter le président au bout d’une année d’exercice à l’Elysée à sa propre capacité à continuer. C’était un exercice intéressant en cela qu’il était inédit: jamais un président de la République n’était allé se mettre dans des filets aussi serrés, dans un piège aussi venimeux, parce que d’habitude les présidents aiment bien les interviews un peu plus confortables, là ce n’est pas du tout le confort qui avait été recherché".
> Bruno Jeudy: "Peu d'annonces mais un style pugilistique qui va rester dans les annales"
"C’était du catch et le problème dans le catch politique c’est que parfois les corps-à-corps nuisent un peu à la clarté des débats. Par moment j’imagine que les téléspectateurs devaient un peu avoir du mal à s’y retrouver. Mais il faut reconnaître que sur la forme on est devant un objet médiatique non identifié, c’était du jamais-vu, une interview présidentielle de ce calibre-là. D’ailleurs Emmanuel Macron s’en est presque félicité, il était prêt à rester trois heures et plus. "Je suis votre homme", a-t-il répondu tranquillement à Edwy Plenel.
Les moins, c’est le fait qu’il n’y ait pas beaucoup d’annonces en 2h38 d’émission, par moments c’était des bavardages, des répétitions, notamment sur Notre-Dame-des-Landes, sur l’évasion fiscale également. Mais on a eu des plus: le président s’est bien expliqué sur la Syrie, même si il est resté évasif sur les preuves, sinon on avait des explications assez claires.
Par contre, on a une annonce qui va faire beaucoup parler: la piste de la deuxième journée de solidarité. Les Français vont payer la dépendance par le biais d’une deuxième journée fériée, ce qui est un sujet majeur. Donc à l’arrivée peu d’annonces, mais un genre pugilistique nouveau qui va rester dans les annales, et manifestement il a envie de recommencer."