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Le déconfinement politique vire lui aussi au casse-tête

Emmanuel Macron dans un EHPAD du XIIIe arrondissement de Paris ce vendredi.

Emmanuel Macron dans un EHPAD du XIIIe arrondissement de Paris ce vendredi. - BFMTV

Le déconfinement du mois de mai s'accompagnera-t-il d'un gouvernement de "concorde" nationale chargé de rebâtir le pays?
"ll y a dans cette crise une chance (… ) bâtir un autre projet dans la concorde, un projet français, une raison de vivre ensemble, profonde. Dans les prochaines semaines, avec toutes les composantes de notre Nation, je tâcherai de dessiner ce chemin qui rend cela possible".

Cette petite phrase d’Emmanuel Macron, en fin d’une demi-heure d’intervention lundi soir, a agité le monde politique lui aussi confiné et impatient de reprendre une vie normale, même si beaucoup se demandent comment le débat peut reprendre comme avant dans ce contexte post 11 mai.

Un gouvernement de "concorde"?

L’idée d’un gouvernement national semble pourtant bien difficile à envisager. A gauche, les voix sont quasiment unanimes. Un responsable du Parti communiste prévient: "si c’est pour continuer la même politique, ce n’est pas envisageable. Et c’est plutôt cela qu’on entend en ce moment à l’Assemblée."

Alors que certains insoumis se prennent à rêver d’un retour aux urnes et d’élections anticipées, ce responsable socialiste s’interroge: "Pourquoi vouloir s’interdire de débattre alors qu’au contraire il faudra un débat riche de propositions de toutes parts pour sortir au mieux de la crise?"

Au sein de la majorité, l’idée divise: 

"On ne peut pas imaginer affronter des défis sans une action spectaculaire qui donnerait corps au rassemblement, autour de grands acteurs publics, élus locaux, associations", explique un cadre de la majorité.

Même si le dépassement des clivages est dans l’ADN originel du macronisme, un député de l’aile gauche s’inquiète:

"L’union nationale donne des armes terribles à Marine le Pen. Cela alimente le tous pourris".

Le retour d'anciens ministres?

Un autre pilier de LaREM se met, lui, à rêver d’une "mission type Conseil national de la Résistance, avec de nouvelles personnalités au gouvernement comme Bernard Cazeneuve". Depuis 48 heures, les noms circulent et font réagir….

Au Rassemblement national, on ironise: "Stéphane Le Foll, Manuel Valls, Nathalie Kosciusko-Morizet… Il manque Najat Vallaud-Belkacem dans la série ‘les loosers sont de retour’, comme si les Français voulaient de ces vieilles badernes".

A la France insoumise, le ton est moins brutal mais l’idée est la même:

"Non aux combinaisons pour débaucher telle ou telle personnalité et faire comme si on faisait la même politique. On est loin de la réinvention" promise lundi par Emmanuel Macron.
Même au sein de la majorité, on peut se faire cruel, comme ce cadre LaREM, qui s’interroge: "un remaniement pour mettre qui? Stéphane Le Foll en avait déjà marre sous François Hollande. Manuel Valls apporte quoi comme plus-value? NKM, tout le monde l’a déjà oubliée".

D’autres, toujours au sein de la même majorité, se montrent plus ouverts:

"On vit un traumatisme majeur. On est face à une reconstruction. Ce n’est pas idiot de chercher une union nationale. Valls, le Foll, NKM, ce sont des gens qui représentent quelque chose".

Peut-on imaginer le nouveau monde de 2017 appeler en renfort l’ancien monde politique balayé il y a tout juste 3 ans?

Officiellement, on ne se bousculerait pas. "Je n’ai aucune intention d’intégrer le gouvernement", précise Stéphane le Foll à Ouest-France. De son côté, Manuel Valls, depuis son confinement espagnol, s’interroge sur RMC:

"Si je comprends bien, on irait chercher les gens qui sont partis très loin, l’une à New York (Nathalie Kosciusko-Morizet, NDLR) et l’autre à Barcelone. Honnêtement, je pense que tout cela est indécent à ce niveau-là. Cela n’a aucun sens aujourd’hui". 

L’ancien Premier ministre n’est donc officiellement pas candidat, même si tout le monde a remarqué les appels du pied et ses prises de position pro-Emmanuel Macron depuis quelques semaines.

L’avenir d'Edouard Philippe

Union nationale, remaniement? Et pourquoi pas un changement de Premier ministre? L’idée agite une majorité qui globalement fait bloc derrière son capitaine dans la tempête. Un député salue le travail d’Edouard Philippe:

"Il n’est pas démonétisé. Son binôme avec le Président fonctionne". Un autre ajoute: "On ne change pas une équipe qui est au boulot et qui a les mains dans le cambouis. Je ne vois pas quel sens cela aurait de changer d’équipe aujourd’hui. Il faut d’abord résoudre la crise sanitaire".

Beaucoup saluent son travail. Peu voient une alternative pour gérer le gouvernement et certains s’interrogent sur son avenir. Aura-t-il encore la confiance des Français? Ne va-t-il pas finir entièrement lessivé par cette nouvelle crise du quinquennat? Sera-t-il en phase avec les orientations que le Président entend donner aux deux dernières années de son quinquennat?

Pour certains cadres de la majorité, son sort est déjà scellé :

"Comment insuffler une deuxième partie de quinquennat sans changer de Premier ministre?"

"Je ne pense pas que le président pourra poursuivre avec le même Premier ministre. Le maintien du premier tour (des municipales) a laissé des traces. Le Premier ministre était pour. D’ailleurs lundi soir, "Emmanuel Macron ne l’a pas cité une fois. C’est un signe qui ne trompe pas". 

En politique, comme ailleurs, l’après 11 mai reste à inventer.

Elisa Bertholomey, Perrine Vasque, Loïc Besson, Benjamin Duhamel et Jérémy Brossard