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Convention climat: plusieurs mesures édulcorées ou abandonnées par l'exécutif depuis juin

Emmanuel Macron s'adresse aux membres de la  Convention citoyenne pour le climat, le 29 juin à l'Elysée, à Paris

Emmanuel Macron s'adresse aux membres de la Convention citoyenne pour le climat, le 29 juin à l'Elysée, à Paris - CHRISTIAN HARTMANN © 2019 AFP

Emmanuel Macron rencontre à 17 heures les membres de la Convention citoyenne pour le climat, sur fond de crainte d'un possible détricotage de leurs propositions formulées en juin dernier.

Fin juin, Emmanuel Macron avait écarté trois des 149 propositions formulées dans le rapport rédigé par les 150 représentants tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat (CCC): la baisse de la vitesse maximale sur les autoroutes, l'instauration d'une taxe de 4% sur les dividendes des entreprises qui en distribuent plus de 10 millions d'euros chaque année afin de contribuer à l'effort de financement écologique, et la révision du préambule de la Constitution.

Depuis, le gouvernement a dévoilé le 8 décembre les grandes lignes du projet de loi, et la présentation complète est attendue fin janvier en Conseil des ministres. Même si la ministre Barbara Pompili a promis sur Europe 1 qu'"une grande majorité de ces propositions" seraient reprises, on sait déjà que l'exécutif a renoncé ou édulcoré plusieurs autres mesures, ce qui a suscité des critiques.

Une pétition, signée par plus de 420.000 personnes, a par exemple été lancée en novembre par le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion, appelant à "sauver la Convention citoyenne pour le climat". Des reproches qui ont suscité l'ire d'Emmanuel Macron. Le 3 décembre, dans une interview au média Brut, le président de la République s'était emporté en répliquant ne pas avoir "de leçon à recevoir".

"Je suis très en colère contre des activistes qui m’ont aidé au début et me disent maintenant qu’il faudrait tout prendre", avait-il tancé, disant également "respecter" les 150 citoyens "mais je ne vais pas dire, parce que ces 150 citoyens ont écrit un truc, que c’est la Bible ou le Coran ou que sais-je, dans cette période si tendue je préfère même ne pas prendre ces comparaisons!".

Cette convention climat avait été lancée en réponse à la crise des gilets jaunes, dont l'étincelle avait été l'instauration d'une taxe carbone sur les carburants. Face aux accusations de renoncements et de détricotage, Emmanuel Macron doit rencontrer des membres de la convention ce lundi à 17 heures pour une "discussion franche et directe", selon l'entourage du président. Voici les principaux points de crispation.

· La taxe au poids des véhicules: revue à la baisse

Dans leurs travaux, les citoyens de la CCC avaient proposé de créer un malus pour les véhicules pesant plus de 1,4 tonne. Cette mesure, validée par Emmanuel Macron en juin, a été adoptée à l'Assemblée nationale en novembre, mais son ambition a été revue à la baisse: elle concernera les véhicules de plus de 1,8 tonne, ce qui exclut de facto de nombreux modèles de voitures.

"Sur les 10 SUV les plus vendus en 2019, il n'y en a aucun sauf un qui fait plus de 1800 kilos donc on ne touche personne. Vous faites de la com'", avait alors raillé la cheffe de file des députés socialistes, Valérie Rabault.

· La 5G: pas de moratoire

En juin, les 150 citoyens avaient demandé l'instauration d'un moratoire sur la 5G. Une demande qu'Emmanuel Macron n'avait pas immédiatement écartée mais auquel il n'a pas été accédé: les premières émissions à très haute fréquence ont été activées à la mi-novembre en France.

Emmanuel Macron avait suscité la colère de nombreux écologistes en septembre, en défendant le déploiement de la 5G face à un "modèle amish":

"J'entends beaucoup de voix qui s'élèvent pour expliquer qu'il nous faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile. Je ne crois pas au modèle amish, et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l'écologie contemporaine", avait alors déclaré le chef de l'État.

· L'interdiction des vols intérieurs en cas d'alternative ferrée: seulement pour les trajets de moins de 2h30

Les 150 citoyens souhaitaient une interdiction des vols intérieurs lorsqu'il existait une alternative en train en moins de 4 heures. Le gouvernement a décidé de reprendre cette mesure, mais a abaissé l'exigence alternative à 2h30 de train.

Une mesure que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait notamment défendu sur BFMTV le 9 novembre dernier, mais qui ne satisfait pas tout le monde: selon des ONG, citées par l'Agence France-Presse (AFP), cela ne concerne que trop peu de lignes de voies ferrées, à l'instar de la LGV entre Paris et Bordeaux, citée par Bruno Le Maire pour défendre la position de l'exécutif.

Les "150" avaient également défendu l'augmentation d'une "écotaxe" sur le transport aérien. Une proposition qui, selon le secrétaire d'État aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, aurait "des conséquences délétères", avait-il déclaré sur LCI en septembre dernier.

· La limitation de l'artificialisation des sols: des dérogations jugées trop importantes

Très importante en France, l'artificialisation des sols est dans le viseur de la Convention citoyenne. Les Français tirés au sort avaient défendu en juin l'interdiction de l'artificialisation des terres tant que des friches étaient disponibles dans une zone. Les citoyens avaient également défendu le fait de "prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines".

Le gouvernement souhaite diviser par deux la vitesse cette artificialisation des sols, et veut interdire l'implantation de nouveaux centres commerciaux sur des espaces naturels, avec toutefois des dérogations possibles pour les projets en dessous de 10.000 m².

"Cela laisse la porte ouverte à un nombre bien trop grand de dérogations", s'inquiète l'ex-député LaREM Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot.

· L'interdiction de la pub pour les produits les plus polluants: pas aussi étendue?

La CCC proposait de réguler la publicité, notamment en défendant l'interdiction pure et simple de la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre - mesurés via un "C02 score" sur tous les supports. Mais il ne semble pas avoir obtenu entièrement gain de cause sur ce point.

À cet effet, dans son projet de loi, le gouvernement prévoit de supprimer les avions publicitaires ainsi que d'expérimenter une étiquette "oui pub" sur les boîtes aux lettres et d'interdire les publicités pour les énergies fossiles.

Clarisse Martin avec AFP