Changer de Premier ministre… sinon rien

Hervé Gattegno - -
Quelle que soit l’issue de l’affaire Cahuzac, elle ne peut déboucher sur aucune amélioration pour François Hollande et le gouvernement. Soit on va apprendre qu’il y a eu sur ce compte énormément d’argent, d’origine douteuse, et que d’autres personnalités sont impliquées – donc la malversation généralisée. Soit on la faute individuelle est confirmée et la question restera posée d’une négligence, voire d’un amateurisme dans le choix de ce ministre (chargé de lutter contre la fraude fiscale !). Ça veut dire, pour François Hollande, 2 scénarios du pire – la peste ou le choléra.
C’est pour cette raison que vous considérez que F. Hollande n’a plus d’autre choix que de changer de premier ministre ?
C’est la meilleure solution mais il a le choix. Nos institutions permettent au président de trancher une crise comme il l’entend. C’est lui qui a les clés. En l’occurrence, il n’a que de mauvaises solutions et il va devoir en choisir une. Une dissolution ? Vu l’état de choc causé par l’affaire (même à gauche), ce serait un suicide. Un référendum (sur la moralisation de la politique) serait un risque à peu près aussi grand et serait vu comme une diversion. Et un simple remaniement apparaîtrait comme un bricolage quand la maison menace de s’écrouler. Donc il reste une option : changer le gouvernement – c’est-à-dire le premier ministre.
En quoi le remplacement de JM Ayrault serait-il la solution à la crise déclenchée par l’affaire Cahuzac ? Après tout, JM Ayrault n’en est pas plus responsable que F. Hollande…
C’est le cynisme de la Vè République. Si le président est menacé, il sacrifie son 1er ministre. En plus, Jean-Marc Ayrault est un 1er ministre impopulaire et dont l’autorité est très affaiblie. Avec lui, François Hollande est comme ce personnage qui court dans le désert avec un boulet au pied : s’il coupe sa chaîne, il est toujours dans le sable mais… plus léger ! Cela dit, changer de 1er ministre n’a de sens que si c’est l’expression claire d’un choix politique : pour François Hollande, ce choix est entre le maintien de l’austérité (que Jérôme Cahuzac personnifiait… plus que Jean-Marc Ayrault ) ou une « autre politique », moins focalisée sur les déficits et plus sur la redistribution. Pour que le changement de gouvernement ait un impact, il ne faut pas seulement changer de tête mais changer de pied.
S’il devait décider de limoger Jean-Marc Ayrault, quels sont les personnalités qui, dans ces circonstances, pourraient avoir le profil requis pour Matignon ?
Le seul poids lourd disponible serait Martine Aubry, qui en rêve, mais pour François Hollande, ce serait plutôt un cauchemar. Sa préférence irait sûrement à Michel Sapin, mais il n’a pas vraiment une tête d’électrochoc. Les deux ministres qui sortent du lot – et qui incarnent précisément 2 politiques distinctes – sont Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Mais en choisir un des deux rétrécirait le champ de la majorité – qui n’en a guère besoin. Il reste néanmoins une dernière solution : ne rien faire. Annoncer des réformes, tenir de grands discours, solenniser l’appel à tous les partis politiques… et attendre que ça passe. Par calcul et par tempérament, c’est sûrement l’option préférée de François Hollande.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 8 mars.