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Politique

Canicule: la ministre de la Santé joue l'omniprésence 

Agnès Buzyn

Agnès Buzyn - SYLVAIN THOMAS / AFP

Pour éviter que ne se reproduise la crise politique de l'été 2003, la ministre de la Santé affiche sa mobilisation sur le dossier de la canicule.

Afficher sa mobilisation face à la canicule, répéter les messages de prévention, garder l'œil sur les urgences: l'été est une saison à risque pour tout ministre de la Santé, et Agnès Buzyn joue la carte de l'omniprésence.

De 2003, il reste la désastreuse image de Jean-François Mattéi, ministre de la Santé du gouvernement Raffarin, apparaissant en polo dans sa villa provençale, pour tenter de rassurer les Français en pleine canicule. Exactement ce qu'il ne faut pas faire: être en vacances au beau milieu d'une crise. 

Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, cet épisode caniculaire a provoqué la mort de 19.490 personnes en France à l'été 2003 (70.000 en Europe).

À l'époque, la réaction tardive du gouvernement avait fait l'objet d'une vive polémique. Outre le ministre de la Santé, le président de la République Jacques Chirac avait lui même été mis en cause. Le chef de l'Etat avait finalement réagi en prononçant une allocution le 21 août, alors que les funérariums de la région parisienne était, comme le relatait alors Libération, déjà saturés. 

La ministre occupe le terrain médiatique, et fait le catéchisme de la prévention contre la canicule. 

Communication renforcée

"Elle fait le job. Parce que l'important pour les ministres, depuis la calamiteuse prestation de Jean-François Mattéi, c'est de montrer qu'ils sont là, qu'ils ne minimisent pas le problème, qu'ils vont sur le terrain, qu'ils s'assurent que tout est en place", estime Arnaud Mercier, professeur de communication politique à Paris II.

Difficile de manquer Agnès Buzyn jeudi, à la télévision ou à la radio.

"Nous sommes bien mieux armés : il y a maintenant un plan national canicule qui s'active dans tous les départements touchés", disait-elle sur France Inter le matin. "L'ensemble des services de l'État, les grandes associations, sont très mobilisés pour diffuser les messages de prévention. On est prêt", appuyait-elle sur RTL le midi, depuis Nîmes.

Et dans l'après-midi, elle donnait une conférence de presse, toujours pour répéter que tout le monde était sur le pont. Dès le début de cette vague de chaleur, elle affirmait sa vigilance. "Pour l'instant, il n'y a pas d'afflux aux urgences, nous surveillons ça tous les jours", disait-elle le 25 juillet, depuis un Ehpad d'Issy-les-Moulineaux.

Cette surveillance incombe à Santé publique France, qui diffuse pour le grand public des points de situation nationaux intitulés "Système d'alerte canicule et santé". Le dernier en date, mercredi, précisait qu'il était trop tôt pour compter les morts éventuels dus à la vague de chaleur: "l'impact sur la mortalité ne sera disponible qu'au minimum un mois après la fin de l'épisode".

Heures de grande écoute

L'homme qui avait lancé un cri d'alarme retentissant en 2003, le président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) Patrice Pelloux, se montre cependant sceptique sur l'efficacité des mesures prévues par le ministère.

"Avec cette communication, Agnès Buzyn est dans son rôle de ministre, de dire que tout a été fait", juge-t-il. "Nous serons dans une sursaturation et ça ne fonctionnera plus", s'alarme l'urgentiste sur notre antenne. "On fera face, on va se débrouiller, mais vous n'avez pas de ressource en personnel pour ouvrir des lits à ce jour."

Pour Thierry Herrant, professeur de communication publique à Sciences Po Paris, "en 2003 l'erreur du ministère de la Santé avait été de voir Patrice Pelloux comme un syndicaliste enfermé dans son rôle qui réclamait des moyens. Aujourd'hui, compte tenu du risque politique d'une canicule, le gouvernement met les moyens".

Il a par exemple fait diffuser des spots télévisés et radio sur la prévention. "Le dispositif est suffisamment massif pour toucher beaucoup de Français, à des heures de grande écoute. Et cela à des tarifs préférentiels", remarque Thierry Herrant.

Agnès Buzyn a cependant prévu de partir en vacances les deux prochaines semaines, d'après son ministère, mais elle restera - comme tous ses collègues - joignable et prête à rentrer à Paris. 

"Elle ne partira peut-être pas. Tout dépendra de la situation! Une des choses les plus importantes pour un ministre, pendant toute crise, c'est d'être vu en train d'agir", prévient Arnaud Mercier.
Louis Nadau avec AFP