Cahuzac, un acteur hors pair

Jérôme Cahuzac a été entendu mardi pour la 2e fois par la commission d'enquête parlementaire. Une audition encore plus surréaliste que la première...

La première fois, il y a un mois, Jérôme Cahuzac se réfugiait derrière le secret de l'instruction pour ne pas répondre aux questions. Mardi, pas de réponses non plus, il avait perdu la mémoire ! C'est embêtant parce que les députés voulaient avoir sa version de la fameuse réunion à quatre qui se serait tenue juste après le Conseil des ministres du 16 janvier. Pierre Moscovici a raconté très précisément avoir informé François Hollande et Jean-Marc Ayrault ce jour-là de la possibilité d'interroger la Suisse sur l'existence ou non d'un compte dissimulé, le tout en présence de Jérome Cahuzac. L'ancien ministre du Budget ne se souvient de rien.
L'audition de Jérôme Cahuzac a duré près de 2h15. L'ancien ministre a eu du début jusqu'à la fin une mémoire à géométrie variable. Les membres de la commission étaient très irrités.

Pourquoi cette absence de souvenir ? C'est une stratégie ?

C'est un moyen de défense. Lors de la première audition, il n'a pas menti car il réserve ses réponses aux juges. Mardi, il n'a pas menti non plus car il ne se souvient pas. C'est imparable ! C'est mieux que le mensonge par omission, mais c'est une stratégie difficile à tenir. Jérôme Cahuzac n'est pas crédible. Imagine-t-on cet homme qui a tout perdu ne plus se souvenir des moments clés ou il a joué sa carrière ? C'est impensable...

Qu'est-ce que ça cache ?

Beaucoup d'arrogance et de mépris pour les membres de la commission parlementaire. En coulisses, ils ont trouvé l'homme insupportable, mais surtout une personnalité toujours très manipulatrice. Mardi matin, Marion Bougeard, ex-conseillère en communication de Jérôme Cahuzac, a été entendu par la commission d'enquête parlementaire. Elle a eu cette phrase terrible pour son ancien patron: « Il est rare de voir un tueur en série diriger sa propre enquête ». Jérôme Cahuzac est sans doute mort politiquement mais il cherche à rebondir. Ce qu'il n'a pas dit mardi, il le réserve pour le livre qu'il est en train d'écrire. Je prends les paris.

Que veulent faire maintenant les membres de la commission parlementaire ? Il y a une suite au feuilleton Cahuzac ?

Ils sont restés sur leur faim. Ils se disent, au sujet de la fameuse réunion du 16 janvier à l'Elysée, qu'il serait bon d'entendre en même temps Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac. Les députés UMP veulent aussi avoir la version de Jean-Marc Ayrault mais les parlementaires socialistes sont toujours réticents à convoquer le Premier ministre. Donc il ne faut pas s'attendre à des révélations. D'ailleurs, le problème avec cette enquête parlementaire (comme avec toutes les enquêtes parlementaires) c'est qu'on ne saura jamais si François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont cru aux révélations de Mediapart début décembre 2012, s'il y a eu ou non un disfonctionnement au sommet de l'Etat. Ce qui est sûr en revanche, c'est que Jérôme Cahuzac est un acteur magnifique. Il a eu cette phrase sublime: « A qui profite le crime ? » Ah ! Parce qu'il y a eu crime ? Il se considère comme une victime ? Vraiment, chapeau l'artiste !

Retrouvez la chronique de Véronique Jacquier du mercredi 24 juillet : Les Coulisses de la Politique

Véronique Jacquier