BFMTV
Politique

Cahuzac : « Je vous ai menti parce que je venais de mentir au président »

Jérôme Cahuzac prête serment, ce mercredi devant la Commission d'enquête parlementaire.

Jérôme Cahuzac prête serment, ce mercredi devant la Commission d'enquête parlementaire. - -

Jérôme Cahuzac était entendu mercredi après-midi par la commission d'enquête parlementaire mise en place après qu'il a avoué détenir un compte bancaire caché à l'étranger. L'ancien ministre du Budget a assuré n'avoir eu aucun contacts avec Manuel Valls et Christiane Taubira sur l'enquête le visant.

C'est l'homme au coeur du scandale: Jérôme Cahuzac a commencé, la voix traînante et les traits tirés, à répondre -ou éviter- les questions des députés composant la commission d'enquête parlementaire mise en place après qu'il a avoué détenir un compte bancaire caché à l'étranger. Arrivé vers 16h30 dans la salle d'audition vêtu d'un costume gris, cravate noire, Jérôme Cahuzac a prêté serment à la demande du président de la Commission parlementaire Charles de Courson. « Je le jure », a-t-il lâché entre ses dents avant de refuser de faire une « déclaration liminaire ».
Les députés souhaitent savoir si l'ancien ministre avait pu bénéficier d'éventuelles protections entre la révélation par Mediapart, le 4 décembre, qu'il possédait un compte à l'étranger et ses aveux le 2 avril. Cette commission d'une trentaine de députés a ciblé ses investigations sur l'action du gouvernement pendant que Jérôme Cahuzac, alors encore à Bercy, niait en bloc les révélations l'accablant, même auprès de ses conseillers les plus proches.

Pas de réponse sur les banques dans lesquelles il avait placé de l'argent

Tour à tour mettant et retirant ses lunettes, prenant des notes, demandant à plusieurs reprises aux députés de ne pas lui demander « d'étaler ses sentiments personnels », l'homme est apparu fatigué, la voix régulièrement bloquée par l'émotion, n'hésitant à évoquer sa « douleur ».
Mais l'ancien orateur brillant du gouvernement s'est en même temps attaché à parler lentement, en termes choisis, précis, pour accepter ou refuser de donner les détails réclamés par les députés. Il a notamment décliné les questions directes sur les banques dans lesquelles il avait placé de l'argent à l'étranger, sur les dates de transferts ou encore sur ses voyages en Suisse. A ses yeux, ces questions empiètent « pleinement sur l'information judiciaire en cours » sur son affaire, marquant la limite du travail de la commission parlementaire. Jérôme Cahuzac a d'ailleurs précisé sèchement aux députés que ses non-réponses ne valaient « pas approbation au libellé des questions ».

« Il y a deux tabous que je n'ai pas transgressés »

Interrogé plusieurs fois sur ce que pouvaient savoir tant son ministre de tutelle, Pierre Moscovici, que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ou le président François Hollande, Jérôme Cahuzac a assuré qu'il n'était pas en position de le savoir puisqu'une « muraille de Chine » avait été érigée autour de lui l'empêchant d'être informé de tout ce qui concernait son affaire. « J'ai pu mettre dans mes dénégations une force de conviction qui a dû en convaincre certains, je le crains », a-t-il déclaré, répétant maintes fois leur avoir menti. Il a insisté sur le fait qu'il n'avait parlé à personne de la demande de renseignements que le fisc lui avait envoyé sur d'éventuels comptes à l'étranger. « Il y a deux tabous que je n'ai pas transgressés: je n'ai jamais juré ne pas détenir de compte sur la tête de mes enfants, et deuxième tabou, mentir à l'administration dont j'avais la charge, m'a semblé impossible », a déclaré le ministre pour justifier le fait de n'avoir pas répondu au fisc.

« Je vous ai menti parce que je venais de mentir au président »

Jérôme Cahuzac a affirmé que Pierre Moscovici ne l'avait pas prévenu de l'envoi d'une demande d'entraide administrative à la Suisse. « J'ai été informé du sens de la réponse, de mémoire, une dizaine ou quinzaine de jours après », a-t-il dit, certifiant qu'il n'était pas à l'origine des fuites qui avaient suivi dans la presse. Il a également assuré n'avoir jamais eu de contact sur cette affaire avec le ministre de l'Intérieur Manuel Valls et la Garde des Sceaux Christiane Taubira.
A propos de son retentissant démenti devant la représentation nationale le 5 décembre, il a expliqué l'avoir prononcé alors qu'il avait « menti au président de la République et au Premier ministre dans les heures qui précédaient ». « Je vous ai menti parce que je venais de mentir au président », a-t-il expliqué.

Qu'est-ce qu'une commission d'enquête parlementaire ?|||

Cette commission d’enquête parlementaire d'une trentaine de députés a ciblé ses investigations sur l'action du gouvernement pendant que Jérôme Cahuzac était à Bercy, s'interrogeant notamment sur l'opportunité de mener une enquête administrative en parallèle de l'enquête judiciaire. Les commissions d'enquête parlementaires françaises peuvent mettre au jour des informations et, dans des cas rares, saisir la justice. Les témoins qu'elles convoquent sont tenus de se présenter sous peine de sanctions pénales et invités à prêter serment.