Cahuzac, de la dignité dans l’indignité

Hervé Gattegno - -
Jérôme Cahuzac, on l’a assez dit, a flétri l’image de la politique – par sa faute et ses mensonges. Qu’il ait pris l’initiative d’avouer était un 1er pas, mais qui avait une portée relative parce qu’il ne faisait qu’anticiper les découvertes de la justice. Il est allé beaucoup plus loin hier – plus loin d’ailleurs qu’aucun politique ne l’a jamais fait en France, y compris ceux qui ont été condamnés. Dans ce qu’il a dit, il y avait à la fois de la contrition et de l’émotion. Et une forme de dignité qui n’efface pas l’indignité de ce qu’il a fait, mais qu’il faut porter à son crédit, sinon à son honneur.
Est-ce qu’on peut croire à la sincérité de ses explications, alors qu’il a menti avec tellement d’aplomb devant la France entière ?
La question est légitime. Jérôme Cahuzac admet qu’on puisse douter de sa parole. Mais dès lors qu’il renonce à la politique, on doit admettre qu’il n’a plus d’arrière-pensées tactiques. Quant à ce qu’il dit sur son fameux compte, il sait que tous les détails (les montants, les dates, l’origine de l’argent) vont être livrés aux juges – mentir ne servirait plus à rien. Enfin, sur la façon dont il s’est piégé lui-même avec cette « part d’ombre » qui a fini par le « consumer », cela relève de son histoire intime : chacun est libre de le croire ou non. Moi, je l’ai trouvé crédible. Ce n’est plus un homme politique, c’est un homme pathétique.
Une phrase suscite beaucoup d’interrogations : Jérôme Cahuzac dit qu’il « ignore quel degré de connaissance François Hollande avait » de toute cette affaire avant ses propres aveux. Est-ce que c’est un piège tendu à l’Elysée ?
Il ne faut pas surinterpréter. D’abord, en démissionnant de l’Assemblée, Jérôme Cahuzac soulage ses amis : la partielle dans le Lot-et-Garonne sera très difficile, mais c’est moins terrible pour le PS que s’il avait voulu revenir ! D’évidence, il ne veut pas de mal aux socialistes. C’est vrai qu’il a parlé d’ « acharnement » – il a même dit que ce qu’il a subi était sans précédent (ce qui est faux) ; mais à aucun moment il n’a cherché à se défausser. S’agissant de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, il a dit clairement qu’il leur avait menti. Il pouvait difficilement en faire plus. Au total, le seul compte que Jérôme Cahuzac a réglé (et même soldé), c’est son maudit compte suisse…
La commission des lois de l’Assemblée a voté mardi la création d’une commission d’enquête sur l’attitude du gouvernement dans cette affaire : est-ce qu’on peut en apprendre plus ?
On peut au moins espérer que cela dissipera les soupçons – pour les confirmer ou les infirmer. Mais uniquement sur l’attitude du gouvernement. Sur Jérôme Cahuzac lui-même, c’est la justice qui dira le fin mot et les députés ne pourront pas empiéter sur le champ de l’enquête – c’est la règle de la séparation des pouvoirs. Et sur la dimension psychologique qui est au cœur de l’affaire, on n’ira pas beaucoup plus loin. Avec cette mise à nu, Jérôme Cahuzac est devenu, pendant quelques instants, plus transparent que tous ses anciens collègues du gouvernement dévoilant leur patrimoine.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 17 avril.