C’est la démocratie interne qui a tué l’UMP

Hervé Gattegno - -
Le duel Copé-Fillon fera au moins une victime, sans doute deux. Et le parti avec. Pour l’heure, il y a un mauvais gagnant et un mauvais perdant, un vote qui n’a plus de sens et une division qui ne s’apaisera plus. Une conclusion s’impose : dans un parti bâti sur le culte du chef, où le pouvoir s’est toujours imposé de haut en bas, faire choisir les militants était plus qu’une novation : une révolution culturelle qui aurait exigé de rénover l’UMP en profondeur. Résultat : c’est comme un virus informatique qui a déréglé le logiciel gaullo-bonapartiste et les vieux ordinateurs de l’UMP sont devenus fous…
Dans cette hypothèse, Alain Juppé n’était-il pas le mieux placé pour réussir la réconciliation ?
D’abord, il fallait que la panne soit réparable. Et Alain Juppé, c’est l’incarnation de ce système vertical à bout de souffle : toute sa carrière démontre son penchant pour l’autocratie. Jusqu’à la formule qui a marqué son passage à Matignon : « droit dans mes bottes » – pas vraiment l’expression d’une grande aptitude à la conciliation… Juppé a moins le profil d’un casque bleu que d’un casque à pointe. D’ailleurs les statuts de l’UMP, que tout le monde trouve si propices au verrouillage, c’est lui qui les a conçus – à l’époque, c’était pour lui-même ! Il était donc moins l’homme du recours que du retour…
Qu’est-ce qui pourrait maintenant résoudre le conflit ? Est-ce qu’il reste une solution ?
Au train où vont les choses, il est plus plausible de voir l’UMP se partager que de voir Copé et Fillon se départager. L’un et l’autre sont allés trop loin pour faire marche arrière. Copé n’acceptera pas qu’on fasse revoter les militants (il est sûr de sa victoire) et Fillon ne reconnaîtra jamais la légitimité de la commission des recours (il est sûr qu’elle va lui donner tort). Donc il n’y a pas d’issue. C’est devenu une question d’orgueil et de pouvoir – donc infiniment plus difficile à résoudre qu’une bataille d’idées. On ne voit pas comment une réconciliation serait possible.
Nicolas Sarkozy est sorti indirectement de son silence dimanche : son entourage a fait savoir qu’il avait téléphoné à Alain Juppé pour encourager la médiation. Il a donc échoué lui aussi ?
Oui. La campagne interne a consacré son leadership sur l’UMP. On a bien vu que Jean-François Copé et François Fillon se sont sentis obligés de se référer à son bilan et on a même assisté à une bataille entre les chefs des différentes motions pour s’approprier le nom de Nicolas Sarkozy. C’était tout bénéfice pour lui. Mais dès lors qu’il est obligé d’intervenir pour arrêter le massacre – et qu’en plus, son intervention ne fait pas bouger les lignes d’un millimètre, on peut dire que la crise à l’UMP est devenue aussi un problème pour lui. S’il veut garder la possibilité d’un retour, il ne peut pas se permettre de laisser son parti tomber en ruine. Donc l’UMP était orpheline de Nicolas Sarkozy ; maintenant, c’est Nicolas Sarkozy qui a peur d’être orphelin de l’UMP.
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