Ayrault doit faire le sale boulot

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno,du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
C’est en effet une pomme de discorde pour la majorité, parce que le dossier des Roms met en évidence les tiraillements de la gauche entre le réalisme indispensable et des utopies charitables. D’un côté, les démantèlements de camps ordonnés par Manuel Valls ; de l’autre, les protestations des associations, du PC, des Verts et de certains socialistes, à mots plus ou moins couverts. Du coup, se greffe sur un problème social, humain et policier un vrai problème politique. Les deux exigent une solution rapide, claire et parfois douloureuse – un sale boulot qu’il faut faire proprement.
Quel type de solution peut sortir de la réunion de ce mercredi à Matignon ?
Le sort des Roms est un casse-tête qui ne date pas d’hier et qui ne se pose pas qu’à la France. On peut supposer que le gouvernement essaiera de renvoyer le mistigri à la Bulgarie et à la Roumanie, où les Roms sont victimes de persécutions qu’ils sont bien obligés de fuir. Cela dit, ils sont aussi victimes, en France, d’une discrimination officielle dans l’accès à l’emploi qui peut facilement être abrogée. Il reste que les aider à travailler tout en fermant leurs campements, ça ne fait pas une politique très cohérente. Et ça ne règle pas toute la question.
Est-ce que Jean-Marc Ayrault intervient pour contrôler Manuel Valls, ou au contraire pour l’appuyer ?
On jugera au résultat. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne peut pas laisser durablement son ministre de l’Intérieur seul en 1ère ligne. Il faut bien sortir des équivoques : François Hollande a promis avant son élection que chaque fermeture de campement s’accompagnerait de solutions de relogement ; Valls, lui, se montre plus expéditif. On verra s’il est désavoué ou non. On verra aussi si l’on sort enfin du non-dit aseptisé sur la question des Roms, qui est toujours posée en termes sanitaires et humanitaires, alors qu’elle renvoie aussi, bien sûr, à des problèmes de délinquance dont la gauche n’aime pas beaucoup parler.
Justement, Manuel Valls disait lundi dans Libération qu’il veut conjuguer la défense de l’ordre et les principes républicains, et même « faire mieux que la droite » sur la sécurité. C’est possible ?
Aucun gouvernement n’a réussi à faire baisser durablement la délinquance en France depuis 30 ans. Il est normal que Manuel Valls veuille essayer. D’autant que l’enjeu politique est énorme, parce que les marges de manœuvres sur l’économie sont quasi nulles et qu’un gouvernement a besoin de prouver qu’il sait agir. Ce qui incombe à Jean-Marc Ayrault – et à François Hollande – c’est d’imposer cette conviction à la majorité sans rechercher des consensus introuvables. Sur les Roms comme sur la justice des mineurs ou la question des sans-papiers, ils doivent dissiper une impression d’indécision. Aucun pouvoir ne peut établir l’ordre dans les rues s’il ne met pas d’abord de l’ordre… dans ses idées.
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