Ayrault a besoin d’une RTT !

Hervé Gattegno - -
A force, on aimerait trouver des excuses à Jean-Marc Ayrault ; des arguments pour le défendre, pour dire que les attaques contre lui sont injustes. Hélas, on est arrivé aux limites de la compassion. Si le premier ministre, sur un sujet aussi sérieux (et emblématique pour le PS) que la durée du temps de travail peut répondre dans un journal le contraire de ce qu’il pense, c’est soit qu’il ne sait pas ce qu’il dit, soit qu’il ne sait plus ce qu’il pense. Dans les deux cas, il est au bord du discrédit. Ou du surmenage. Donc on ne peut que lui conseiller de prendre du repos.
Mais vous avez entendu sa défense : il dit avoir voulu se montrer tolérant avec le lecteur du Parisien qui lui a posé cette question. Autrement dit : il aurait été mal compris…
L’argument ne résiste pas à la simple relecture de l’interview. Jean-Marc Ayrault dit effectivement que les 35h « font débat » et qu’il n’y a « pas de sujet tabou ». Mais il dit aussi qu’elles ont « causé des difficultés aux petites entreprises », qu’elles ont déjà été « beaucoup assouplies », que « la France est en panne » et qu’il faut la « redémarrer » en « trouvant les bons compromis ». Et il ajoute qu’il est « partisan de la négociation ». Avec tout ça, il nous excusera d’avoir pu penser qu’il préparait le terrain à une révision des 35h. Surtout quand on sait que le texte de l’interview a été relu à Matignon avant sa parution.
Nous avons donc bel et bien assisté à un nouveau cafouillage gouvernemental ?
Pire : une tragicomédie qui a effacé le (petit) effet du congrès de Toulouse avec le soutien unanime des socialistes à Jean-Marc Ayrault. Pensez qu’il a dû téléphoner lui-même à une radio du matin pour corriger sa propre déclaration dans un journal (du jamais vu !). A ce moment-là, d’ailleurs, il plaide qu’il a juste voulu ouvrir un débat. Et l’après-midi, à l’Assemblée, il jure que jamais la gauche n’abolira les 35h – donc le contraire du débat. Le pire, c’est que dans le fameux entretien du Parisien, Ayrault prévenait ses ministres qu’il ne tolèrerait plus aucun débordement. Il va devoir se sanctionner lui-même… A ce stade, ce n’est plus un gouvernement, c’est le couac 40 !
Au final, est-ce qu’il fallait ou non rouvrir ce fameux débat sur les 35 heures ? Après tout, la droite ne les a pas abrogées quand elle était au pouvoir…
C’est vrai : Jean-Marc Ayrault a commis un faux pas, mais dans cette affaire, les chefs de l’UMP jouent les faux-culs. Ni Chirac ni Sarkozy n’ont voulu supprimer les 35h. Ils ont préféré les vider de leur substance – en multipliant les assouplissements et les exceptions, parce qu’ils savaient que les salariés français sont nettement favorables au système des RTT. En fait, même le patronat a peur d’une réforme parce qu’il faudrait alors annuler les milliards d’allègements de charges qui ont été accordées aux entreprises en contrepartie des 35h. Donc c’est un débat que Jean-Marc Ayrault n’avait pas besoin de rouvrir – et qu’il n’aurait pas dû avoir besoin de refermer.
Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercreid 31 octobre, cliquez ici.