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Politique

Au Mali, Hollande a crié victoire trop tôt

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Deux journalistes français ont été enlevés et tués samedi à Kidal, au nord du Mali. Cet acte barbare met en évidence que le pays est loin d’être pacifié.

Vous dites qu'au Mali, François Hollande a crié victoire trop tôt. Pourquoi ?

C’est un rappel d’autant plus cruel qu’on venait de se réjouir de la libération de nos otages au Niger. Il y a en plus quelque chose d’humiliant pour notre armée et pour les casques bleus de l’ONU, incapables d’assurer la sécurité dans une ville de 25 000 habitants. Les meurtres de samedi ne remettent pas en cause l’intervention mais ils montrent qu’on a eu tort de la qualifier de succès : le Mali reste un pays en guerre et il y a toujours dans ce pays des groupes terroristes prêts à tuer. Ce n’est pas une défaite…mais ce n’était pas une victoire.

Vous voulez dire que François Hollande a voulu tirer parti politiquement d'un conflit qui n'était pas terminé ?

On en a fait trop ou pas assez. François Hollande a dit, en septembre 2012, que cette guerre était « gagnée ». En février, il est allé se faire acclamer en sauveur à Bamako – où il a parlé du jour « le plus important de sa vie politique ». Sans vouloir l’accabler, c’est une marque de gloriole qui, vu d’aujourd’hui, paraît totalement déplacée. En réalité, François Hollande est parti la fleur au fusil. Il ne l’a pas fait pour des raisons humanitaires mais politiques : pour réaffirmer l’influence française en Afrique et pour restaurer son image présidentielle en France. C’est pour cela qu’il s’est félicité trop vite. Et que les actions militaires se sont arrêtées trop tôt.

Aurait-il fallu envoyer nos troupes jusqu'au nord du Mali pour anéantir entièrement les foyers d'Al Qaida ?

On sait très bien que nos soldats ont empêché l’armée malienne de réinvestir cette zone – parce que la position française était de ménager les rebelles touaregs dans cette région. Le résultat est que les réseaux d’Aqmi se sont en partie reconstitués et que, par conséquent, si le vrai objectif de notre intervention était de les démanteler, nous avons renoncé à l’atteindre. Il y a 3 000 soldats français au Mali ; 2 000 sont censés rentrer d’ici Noël. Dans ce désert à hauts risques, ça risque d’avoir l’air d’une désertion.

Comme souvent, on s'interroge depuis ce week-end sur les risques que courent les journalistes dans ces zones très dangereuses. Devaient-ils y aller, et faisaient-ils leur devoir ?

Les reporters de guerre sont toujours volontaires et ce sont leurs médias qui assument avec eux cette responsabilité. Ils sont l’honneur de notre métier parce qu’ils exposent leur vie. Au Mali, leur présence était d’autant plus justifiée que nous ne disposons sur cette guerre que d’informations de l’armée et du gouvernement – ce qui n’est jamais très loin de la propagande. C’est le plus terrible : sans ce drame, on pourrait continuer à penser que l’ordre règne au Mali et que la France y a rempli la mission qu’elle s’était donnée. C’est faux et, de ce point de vue, la mort de ces deux journalistes est, en soi, une information.

Hervé Gattegno