"Agir" mais pas "garantir": la révision constitutionnelle sur le climat bloquée par la sémantique

Photo d'illustration - BERTRAND GUAY © 2019 AFP
Le projet de révision constitutionnelle sur le climat, sur lequel Emmanuel Macron souhaite un référendum, apparaît dans l'impasse: le Sénat à majorité de droite a adopté lundi en deuxième lecture une formulation qui exclut toujours le terme "garantit" auquel tient l'exécutif. Le texte réécrit a été voté par 210 voix contre 127 et 5 abstentions.
La haute assemblée a bougé à la marge par rapport à la première lecture. Elle propose maintenant la formulation selon laquelle la République française "agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004". Le Sénat substitue ainsi le terme "agit" au terme "préserve", qu'il avait retenu en première lecture.
Mais on est encore loin du compte par rapport à la dernière proposition de l'Assemblée nationale, selon laquelle la République française "garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique". Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a regretté que le Sénat n'ait pas saisi "la main tendue" par les députés. "Vous fermez ainsi la possibilité pour les Françaises et les Français de s'exprimer sur le sujet de première importance qu'est l'avenir écologique de notre pays", a-t-il affirmé.
"Climato-inactifs", "climato-résignés": le gouvernement s'emporte contre le Sénat
La ministre de l'Ecologie Barbara Pompili est montée au créneau, estimant que "manifestement les sénateurs sont contre la transition écologique". "Ils ont vidé de sa substance une bonne partie du projet de la loi Climat résilience. Et là, ils empêchent, puisque c'est ça qui se passe, ils empêchent de faire ce référendum que nous attendons pour recréer un grand débat sur cette question qui nous dépasse", a-t-elle affirmé.
Elle a fustigé "des climato-inactifs", "des climato-résignés" et appelé Gérard Larcher à "trouver des solutions pour aboutir". "Ce serait honteux pour la classe politique et honteux pour les sénateurs si on n'arrivait pas à arriver à un référendum à la fin de l'année". L'organisation d'un référendum nécessite au préalable l'accord des députés et sénateurs sur le même texte.
Les députés avaient eux aussi modifié à la marge la proposition initiale de l'exécutif qui suivait les préconisations de la Convention citoyenne sur le climat (CCC). Un pas en direction du Sénat pour la majorité présidentielle, considéré comme "accessoire" par Philippe Bas (LR). "En refusant le référendum pour le climat, la droite sénatoriale montre son sectarisme politique, sa peur de l'expression populaire et son incompréhension des enjeux climatiques", a tweeté le chef de file des sénateurs RDPI à majorité En Marche François Patriat.
"Le Sénat va nous empêcher" d'organiser un référendum avant la fin du quinquennat, avait déjà regretté lundi matin le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Inter. Il avait mis en cause "une ligne climato-sceptique très forte" au sein des Républicains.
La gauche dénonce les "pharisiens"
De son côté, le président LR de la commission des Lois du Sénat François-Noël Buffet s'est ému de "propos extrêmement désagréables à l'égard du Sénat" qui "bloquerait le système". "Vouloir défendre ce qui est indéfendable constitue un faux pas, voire une faute", a-t-il ajouté. La gauche a renvoyé dos à dos gouvernement et droite sénatoriale.
Le socialiste Éric Kerrouche a dit son sentiment d'être "enfermé dans une boucle temporelle" et a fustigé "des débats de pharisiens où chacun feint de chercher un compromis dans un jeu de poker menteur". "Nous voilà coincés dans un débat purement sémantique (...) dans le cadre d'une navette qui pourra s'avérer éternelle", a déploré la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi. Pour le sénateur écologiste Guy Benarroche, "l'enterrement" était "prévisible, préparé, prémédité". S'agissant d'un texte constitutionnel, la navette parlementaire entre les deux chambres peut en principe se poursuivre autant que nécessaire.