Affaire Benalla: la commission d'enquête vole en éclats

Après la seconde audition du préfet de police de Michel Delpuech ce jeudi après-midi, la commission des lois de l'Assemblée nationale mise en place pour examiner l'affaire Benalla, constituée en commission d'enquête, est entrée dans une crise profonde, quatre jours après le début de ses travaux. Les Insoumis, excédés de voir les auditions de certaines personnalités qu'ils souhaitaient voir défiler devant eux refusées, ont émis un communiqué dans lequel ils ont annoncé leur départ: "Devant le refus de poursuivre les auditions de personnes clefs de l’affaire Benalla, la France insoumise suspend sa participation à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale". Le groupe est allé plus loin, réclamant également "la démission de sa présidente Yaël Braun-Pivet", députée de La République en marche.
Les Insoumis dénoncent une "action de sabotage"
Eric Coquerel, député élu en Seine-Saint-Denis appartenant au groupe de la France insoumise, avait déjà livré la position de sa famille politique au milieu de ses collègues à la fin de la séance consacrée à l'audition du préfet de police. "On nous oriente vers des bouc-émissaires qui sont à chaque fois les services de l’Etat. Hier, monsieur Larrivé a donné un ultimatum de vingt-quatre heures à madame la présidente pour savoir si nous pouvions avoir d’autres auditions, notamment messieurs Simonin et Benalla, on aurait souhaité également monsieur Macron", avait-il commencé." Il avait poursuivi:
"Je remarque qu’il n’y a pas eu de réponse et je considère que le fait qu’on tourne en rond comme ça est une action de sabotage très clairement, et d’obstruction de cette commission, et madame la présidente, j’estime qu’au regard de ce qui se fait au Sénat, vous devriez en tirer les conclusions en terme de démission."
Eric Coquerel avait conclu: "Pour notre part, nous allons suspendre notre présence ici." A gauche, le Parti communiste et le Parti socialiste ont peu après annoncé leur départ de la commission également.
Larrivé et les Républicains n'en seront plus
Ils ne sont pas les seuls à aller au bout de leur mécontentement. Le co-rapporteur de la commission d'enquête, le député "Les Républicains" élu dans l'Yonne, Guillaume Larrivé a également signalé son renoncement, qu'il espère n'être que temporaire. Dans un communiqué, il a compilé ses doléances insatisfaites: des auditions supplémentaires, un calendrier précis pour celles-ci, la communication de certains documents par le ministère de l'Intérieur et l'Elysée.
"Je constate que la co-rapporteure, avec le soutien des seuls députés du groupe LaRem, rejette ces demandes pour torpiller les travaux de notre commission et bâcler la préparation d'un vrai-faux", a pris acte Guillaume Larrivé. Il a alors achevé: "Aussi, tant que la commission d'enquête n'aura pas retrouvé un mode de fonctionnement permettant la manifestation de la vérité, je suis contraint de suspendre ma participation à ce qui n'est devenu, hélas, qu'une parodie".
Eric Ciotti, élu dans les Alpes-maritimes, a quant à lui constaté "l'échec de la commission d'enquête". Plus largement, il faudra désormais compter sans les Républicains et le groupe UDI-Agir dans les investigations de l'Assemblée nationale. En résumé, seuls les groupes La République en marche et MoDem veulent continuer à siéger.
Marine Le Pen, qui a participé aux débats, a eu la même analyse: "Clap de fin de cette mascarade qu’a été cette commission d’enquête où la présidente En marche s’est comportée comme une militante politique, qui refuse évidemment l’intégralité des auditions réclamées, auditions justifiées puisque je rappelle qu’elles sont en train d’être opérées par la commission d’enquête au Sénat." Elle a appuyé: "Merci aux sénateurs de faire le travail que la présidente En marche de la commission des lois nous empêche de faire."
La défense de Braun-Pivet
Yaël Braun-Pivet, dont les oreilles sifflaient décidément en cette fin d'après-midi, a contesté devant nos caméras la noirceur du tableau dressé par l'opposition. "Ce n’est pas un échec, c’est une commission qui a pu travailler de façon très correcte." Le visage parfois traversé d'un sourire crispé, elle a ensuite plaidé sa cause:
"J’ai veillé à ce que toutes nos oppositions puissent s’exprimer de façon correcte. J’ai refusé que le nombre de questions soit proportionnel à la taille des groupes. (…) A Chaque audition, j’ai accepté que les non-inscrits posent une ou plusieurs questions."
Elle a déploré, sans rien concéder, la décision des partants: "Je trouve que c’est dommage car je suis particulièrement attachée à l’expression du pluralisme dans la commission des lois. Mais après, libre à eux, je n’ai pas à leur dicter leur conduite."