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Politique

A Florange, Jean-Marc Ayrault a changé l’acier en plomb

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Situation toujours tendue à Florange, où la direction d’Arcelor-Mittal a présenté jeudi aux syndicats le contenu de l’accord avec le gouvernement. FO et la CGT ont claqué la porte du CE extraordinaire.

Si l’on considère que le sort des hauts-fourneaux de Florange était un test social et politique pour ce gouvernement, force est de constater que Jean-Marc Ayrault en sort affaibli. Il avait une occasion en or d’afficher à la fois de la fermeté (face aux industriels), de l’habileté (dans la négociation) et une mobilisation (pour sauver les emplois). Par une étrange alchimie, c’est lui qui, à l’arrivée, est plombé par cet échec. Avec en plus la perspective d’un feuilleton lancinant où il n’aura pas le beau rôle – et qui risque de ne pas se terminer en happy end.

Iriez-vous jusqu’à dire que le premier ministre est la principale victime de ce qui s’est passé à Florange ?

En termes politiques, oui. C’est évidemment le sort des ouvriers qui est le moins enviable. Mais ils ont su toucher l’opinion – et on peut supposer qu’ils peuvent aller assez loin pour défendre leur usine. Jean-Marc Ayrault, lui, a cru qu’avoir signé avec Mittal un accord qui évitait les licenciements ferait de lui un sauveur. Le problème est que pour arriver à ce résultat, il s’est montré complaisant avec Mittal (qui a gagné sur l’essentiel), duplice avec les syndicats (à qui il a caché plusieurs points de l’accord) et humiliant avec son ministre Arnaud Montebourg. Son attitude lui est triplement revenue à la figure. Il a perdu en image, en crédibilité et en popularité.

Ce qui est frappant, c’est que dans un premier temps, Arnaud Montebourg paraissait le plus touché. Et maintenant, il est presque triomphant…

Il fait bonne figure mais il a été vraiment meurtri. Ce qui a fait tourner le vent en sa faveur, c’est la faveur (la ferveur même) qu’a rencontrée dans l’opinion son idée de nationalisation temporaire. Il est apparu comme celui qui se battait avec sincérité pour les ouvriers, pendant que Jean-Marc Ayrault semblait pactiser avec Mittal. Du coup, son échec (c’en est un) est devenu héroïque et l’humiliation que Jean-Marc Ayrault a voulu lui infliger a été vue comme une injustice. Depuis, c’est le Premier ministre qui chute dans les sondages. Et Montebourg est devenu le ministre le plus populaire après Manuel Valls ! Il a crevé l’écran. Et Jean-Marc Ayrault, lui, est à cran.

Au-delà de l’image et des sondages, peut-on dire que Florange marque un tournant politique ?

Le tournant, on l’avait annoncé au moment du « pacte de compétitivité ». Florange était la suite logique. C’est ce revirement, qui a donné la priorité aux entreprises par rapport aux salariés (hausse de la TVA, crédits d’impôts…) qui a rendu Montebourg intouchable. Précisément parce qu’il est le seul, désormais, à incarner au sein du gouvernement le refus de la fatalité des marchés et l’attachement à l’électorat populaire que François Hollande a mis en avant dans sa campagne. La gauche volontaire, par contraste avec la gauche gestionnaire. C’est l’autre défaite de Jean-Marc Ayrault : il s’est lui-même fabriqué un rival. Pas encore un opposant. Mais le tenant d’une ligne politique qui est à l’opposé de la sienne.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 14 décembre.

Hervé Gattegno