2022 dans le viseur de Manuel Valls

Manuel Valls à la Foire internationale d'art contemportain, le 22 octobre à Paris. - Kenzo Tribouillard - AFP
Avis de tempête au Parti socialiste. Depuis plusieurs semaines, les dissensions sont palpables et grandissantes face aux initiatives d'un Manuel Valls ayant manifestement décidé de bousculer les lignes à l'approche de la mi-mandat de François Hollande. Sur l'assurance chômage ou encore le nom du Parti socialiste, l'ambiance est à la petite phrase et aux réponses glaciales entre le chef du gouvernement et les ténors du PS. Dans quel but Manuel Valls joue-t'il la carte de la provocation? Le Premier ministre aurait-il un (grand) dessein en tête?
Des déclarations choc
Assurance chômage, nom du PS, gauche "passéiste"… Ces dernières semaines, Manuel Valls a multiplié les déclarations choc, critiquées parfois sévèrement au Parti socialiste et le Président lui-même. Changer le nom du PS? La proposition de Manuel Valls "est une faute", pour le patron de l'Assemblée Claude Bartolone. Revenir sur l'assurance chômage? "Pas maintenant", a recadré François Hollande.
Dernière proposition en date du Premier ministre: bâtir une "maison commune" avec le centre. Le Premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis n'a pas franchement été séduit: "je n'ai pas l'intention de donner l'onction socialiste" à François Bayrou.
Se démarquer de François Hollande
Pourquoi un telle avalanche d'initiatives provocantes pour ses "camarades" du Parti socialiste? "Son modèle, c'est celui de Tony Blair et du New labour", analyse Arnaud Mercier, politologue et professeur à l'université de Metz. "Il veut démontrer que le PS est enfermé dans ses vieilles lubies, et qu'il faut tout changer".
Pour cela, le Premier ministre profite de sa position. "Il est Premier ministre, et a donc un certain nombre de personnes qui lui mangent dans la main. C'est le moment pour lui de poser ses pions, il est en position de force", remarque Arnaud Mercier.
Via des propositions concrètes et clivantes, Manuel Valls se démarque de François Hollande, qui, à mi-mandat, n'a jamais été aussi impopulaire. Et tant pis s'il froisse le PS. "Ce qu'il perd à gauche, il le gagne au centre", explique à BFMTV.com le politologue Arnaud Mercier. "Il gagne l'estime d'un électorat qui n'est pas le sien". Cette évolution vers le centre "tient compte de l'évolution des valeurs du pays", ajoute-t-il. Et surtout, elle est partagée par certains à gauche, dans d'autres partis. L'écologiste François de Rugy, qui par ailleurs s'était prononcé pour l'entrée d'EELV au gouvernement, n'a par exemple jamais caché sa volonté de rassembler "du Front de gauche jusqu'au centre".
Valls prépare l'avenir et 2022
Avec ses déclarations et autres petites provocations Manuel Valls prépare donc - avant tout - l'avenir. Son avenir. A la manière d'un Jacques Chirac, qui en 1976, avait claqué la porte du gouvernement, et quitté son poste de Premier ministre devant les nombreux désaccords qui l'opposaient à Valéry Giscard d'Estaing. Il avait profité ce coup d'éclat pour préparer son retour en fondant le RPR.
A une différence près. "A l'époque, Jacques Chirac avait une famille politique, les gaullistes, sur laquelle il pouvait s'appuyer", rétorque Arnaud Mercier. "Là, Manuel Valls n'a pas de point de chute. Il se coupe de l'appareil du parti". Appareil sur lequel il a besoin de se reposer pour une future campagne.
Par ailleurs, Manuel Valls n'est pas le premier à préparer l'après-Hollande: il pourrait voir d'autres "quadras" lui faire de l'ombre. Mais ses déclarations lui permettent de lancer une rénovation du parti, et "cela pourrait lui servir pour 2022", selon Arnaud Mercier, qui considère que Manuel Valls devra passer son tour en 2017.
Le temps pour lui de mettre de la distance avec le quinquennat de François Hollande. Une démarche qu'il semble déjà avoir commencé.